Motorgate : faut-il acheter une Renault équipée du 1.2 TCe en occasion ?
Ce moteur fait polémique à tel point qu'on parle de "motorgate". Il est réputé fragile, et les cas de casse pure et simple se comptent par milliers. Le mécontentement est donc vif. Mais quel est le souci réel ? Renault a-t-il rappelé ses véhicules ? Et enfin, faut-il éviter un achat en occasion d'un modèle équipé de ce moteur ? Caradisiac fait le point.
Le 1.2 TCe Renault, dont le petit nom de code est H5Ft, est un moteur essence 4 cylindres turbocompressé, dont les puissances se sont échelonnées de 100 à 130 ch, et qui a été utilisé de début 2012 jusqu'à fin 2018. Une durée de vie d'ailleurs particulièrement courte pour un moteur.
Il a équipé de très nombreux modèles du constructeur Renault, mais pas seulement. En effet, Renault faisant partie d'une alliance, et ayant des partenariats avec d'autres constructeurs, ce moteur s'est également retrouvé sous les capots de modèles Dacia (sous le nom TCe), Nissan (sous le nom DIG-T, code moteur HRA2DDT), et même Mercedes (sous le nom 1.2 112, code moteur m200 DE 12la).
Or, à partir de l'année 2015, et de plus en plus fréquemment, les témoignages de propriétaires confrontés à des soucis avec ce moteur se sont multipliés. Pour l'essentiel, des consommations d'huile hors normes, de l'ordre de plus d'un litre pour 1 000 km parcourus, mais aussi énormément de casses moteur, consécutives justement à ce souci (et à d'autres), dont les causes ont mis du temps à être établies. Un scandale qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de "Motorgate", et qui a conduit à une action de groupe contre Renault, nous y reviendrons en fin d'article.
Des modèles à problème qui se retrouvent en occasion aujourd'hui
Selon les différents comptages, il y aurait plus de 400 000 véhicules qui ont été commercialisés avec ce moteur à risque (dont un peu plus de 100 000 risqueraient vraiment de connaître le souci, soit tout de même 1 moteur sur 4 !), et qui se retrouvent donc aujourd'hui, pour partie, sur le marché de l'occasion. D'où la question essentielle : faut-il acheter en seconde ou troisième main un modèle équipé de ce moteur ? Quels étaient les soucis et ont-ils été résolus, un rappel a-t-il été effectué ? Pour résumer, est-ce sans risque aujourd'hui, ou bien faut-il fuir ? C'est ce que nous allons vous expliquer.
De nombreux modèles Renault, Dacia, Nissan, et même Mercedes, ont été touché par les soucis du 1.2 TCe.
Motorgate 1.2 TCe Renault : tous les modèles concernés
Renault n'étant pas un "simple" constructeur indépendant, et faisant partie d'une alliance (Renault/Nissan/Mitsubishi), le moteur 1.2 TCe a été utilisé par de nombreuses marques, d'autant que des partenariats industriels ont encore étendu son champ d'utilisation.
Ainsi on peut le retrouver sous les capots des modèles :
Renault :
Mégane III 1.2 TCe 115 et TCe 130
Mégane IV 1.2 TCe 100 et TCe 130 (mais après la période critique semble-t-il)
Captur 1.2 TCe 120
Clio IV 1.2 TCe 120
Kadjar 1.2 TCe 130
Kangoo II 1.2 TCe 115
Scénic et Grand Scénic III 1.2 TCe 115 et TCe 130
Dacia :
Duster 1.2 TCe 125
Duster II 1.2 TCe 125
Lodgy 1.2 TCe 100, TCe 115, TCe 130
Dokker 1.2 TCe 115
Nissan :
Juke 1.2 DIG-T 115
Qashqai 1.2 DIG-T 115
Pulsar 1.2 DIG-T 115
Mercedes :
Citan 1.2 112 essence 114
Quels sont les soucis et comment se manifestent-ils ?
Mais avant de répondre à la question, expliquons l'affaire. En premier lieu, les propriétaires se sont plaints d'une consommation d'huile importante, voire très importante, de l'ordre de plus d'un litre/1 000 km. Mais cela ne s'est pas arrêté là. En effet, cette consommation d'huile anormale a pu conduire à des casses moteur par défaut de lubrification, mais aussi par fusion des soupapes. Cela arrive à partir de 40 000 km parfois, et peut survenir, lorsque cela doit arriver, jusqu'à 130 000/150 000 km maximum. Mais en moyenne, c'est entre 50 000 et 70 000 km.
Sans (trop) rentrer dans les détails, le souci est initié par une pression d'air insuffisante au niveau du collecteur d'admission. Du coup, les cylindres se remplissent insuffisamment d'air lors de la phase d'admission. Cela crée une dépression dans le cylindre, laquelle a tendance à aspirer de l'air depuis les cylindres et le bas moteur. Dans le même temps, les segments autour des pistons, insuffisamment durs et étanches laissent remonter de l'huile avec l'air, depuis le bas moteur.
S'ensuit une consommation anormale de lubrifiant, vidant peu à peu le carter d'huile. Le niveau baisse, c'est le premier symptôme. Mais en baissant, et si un complément n'est pas fait à temps, le moteur peut se retrouver mal lubrifié via la pompe à huile, et casser à terme pour défaut de lubrification.
Autre phénomène, l'huile en excédent consumée dans les cylindres crée de la calamine, qui se dépose sur les soupapes et sièges de soupapes d'échappement. Cette calamine peut brûler lors de l'explosion, et créer une fusion et donc une destruction des soupapes ou de leur siège. Bilan : casse moteur.
Autre souci du 1.2 TCe, une usure de la chaîne de distribution. À cause des vibrations et décalage du système de variateur de phase (qui décale les arbres à cames). Elle se détend, devient bruyante. Et peut entraîner au pire une casse moteur. La baisse de niveau d'huile induite par le problème majeur que nous venons de décrire plus haut aggrave ces soucis de chaîne. Une sorte de dommage collatéral...
Dernier souci, un détecteur de cliquetis qui dysfonctionne, ce qui entraîne un phénomène d'autoallumage, et peut détruire les soupapes.
Si le moteur casse, les frais de remplacement sont évidemment faramineux, compris entre 6 000 € et 10 000 € selon le moteur et le modèle !
À savoir que des modifications sur les moteurs 1.2 TCe ont été appliquées directement en usine au plus tard le 11 mai 2016. À partir de cette date, Renault considère qu'il n'y a plus de problème avec ses moteurs. Or, des témoignages encore nombreux font état de consommation d'huile importante après cette date et jusqu'en 2017, mais sans aller, il est vrai, jusqu'à la casse moteur.
Quelle a été la réaction de Renault ?
Dans un premier temps, le constructeur au losange a complètement minimisé le phénomène, voire accusé les propriétaires de négligence au niveau de l'entretien. Alors même que la plupart des clients faisaient entretenir chez Renault !
Mais depuis juin 2015, et une note interne baptisée "Actis solution 10575", il est clair que Renault est parfaitement au courant du problème, et a même prévu des solutions. Cette note a été régulièrement mise à jour, et a peu à peu reconnu que tous les moteurs 1.2 TCe pouvaient être concernés.
Pourtant, aucune action officielle de rappel n'a été menée, malgré l'ampleur du phénomène. Renault n'y est pas contraint légalement, car une surconsommation d'huile n'est pas considérée comme un problème mettant en cause la sécurité des occupants. On laisse cependant imaginer les conséquences d'une casse moteur qui arrive en plein dépassement sur l'autoroute, ou sur nationale, sans signes avant-coureurs, ce qui est le cas le plus souvent (allumage du voyant moteur parfois).
Au départ, les solutions n'ont été appliquées que sur plainte du client, avant d'être systématiquement appliquée lors des venues en atelier pour l'entretien périodique, courant 2018.
La première solution consiste en une reprogrammation des lois de gestion du calculateur moteur, afin d'augmenter la pression d'air dans le collecteur d'admission. Cette solution n'a été efficace que sur les moteurs qui n'avaient pas encore subi de dégâts. Mais elle est arrivée trop tard pour de nombreux modèles.
Renault changeait donc les segments sur les pistons des moteurs touchés, si la consommation d'huile après reprogrammation est supérieure à 1 litre pour 1 600 km.
Autre solution : si le moteur fait du bruit, vérifier les taux de compression. Si la différence entre les valeurs mini et maxi est inférieure à 25 %, le tendeur de chaîne de distribution est remplacé. Si la différence est supérieure à 25 %, consigne est donnée de remplacer le bas moteur, voire le moteur au complet.
Il faut souligner ici que Renault a procédé au cas par cas, sans jamais définir une grille de prise en charge commune. Les véhicules sous garantie voyaient leur moteur remplacé évidemment sans problème. Mais en dehors, ce qui a été majoritairement le cas, c'était selon l’âge et le kilométrage du véhicule, et conditionné à un entretien dans le réseau. Un peu à la tête du client. De façon certaine, passé dix ans et 100 000 km, au premier des deux termes échu, il n'y a plus aucune prise en charge. Un véritable scandale dans ce cas de figure particulier, où le défaut de conception est évident.
Faut-il acheter ou pas, alors ?
Navrés de ne répondre à la question qu'après ce long préambule, mais il fallait en passer par ces explications avant de statuer.
Sur les forums, dans les commentaires ici même sur Caradisiac, de nombreuses personnes sont claires. Pour elles, hors de question d'acquérir un modèle Renault doté du 1.2 TCe.
Dans les faits, le risque est grand, effectivement, de se retrouver confronté au souci si celui-ci n'est pas encore survenu. Du moins pour les modèles fabriqués avant le 11 mai 2016.
Pour ceux-là, et si le souci n'est pas encore arrivé (casse moteur, souci de chaîne de distribution, etc.), et que le vendeur avoue une consommation d'huile importante, notre conseil est de fuir à toutes jambes. Il y a en effet une chance sur quatre d'avoir le souci. C'est énorme. Pour les plus joueurs, une grosse négociation du prix et une surveillance particulièrement serrée de l'auto peuvent s'entendre (et 3 chances sur 4 de ne pas être embêté)
Si les soucis sont déjà arrivés, et que les réparations ont été réalisées, surtout si c'est survenu en début de vie de l'auto (avant 30 000 km), un achat est envisageable, mais avec négociation. La fiabilité en berne de ce moteur est désormais connue. Cela fait baisser les cotes, il faut en profiter. Mais il faut aussi s'assurer que la consommation d'huile n'est pas encore trop importante. Et ne pas hésiter à faire jouer la garantie éventuellement accordée par le vendeur, si c'était un professionnel.
Pour les modèles fabriqués après le 11 mai 2016, le risque est moindre. Si une consommation de lubrifiant importante peut encore se rencontrer, les casses moteurs sont rarissimes, et pas plus fréquentes que sur d'autres modèles d'autres constructeurs (et pour d'autres raisons le plus souvent). Mais il n'est pas interdit de négocier aussi le prix, profitant de la publicité négative faite autour de ce moteur.
Enfin, il semble que les derniers exemplaires produits fin 2017 et en 2018 avec ce moteur, que ce soit chez Renault, Nissan, Dacia, ou Mercedes dans une moindre mesure, ne rencontrent plus aucun problème. Ce qui permet de dire qu'un achat peut se faire sans arrière-pensée.
Action collective contre Renault
Devant l'inaction de Renault face à ce souci, l'absence de rappel, et la mise en danger que peut représenter une casse moteur qui arrive en pleine circulation, la défense des consommateurs s'est organisée.
Un collectif s'est créé pour regrouper les victimes de ce "motorgate", et avoir plus de poids face au constructeur dans les demandes de prise en charge, mais aussi pour partager de l'information.
Ce collectif, vous pouvez le rejoindre, le cas échéant, ici : https://casse-moteur-renault.weebly.com/
Des milliers de victimes se sont manifestées. Et depuis le 11 janvier de cette année, une "action collective en Justice" est lancée par un groupe de quatre avocats, pour porter sur le terrain judiciaire cette affaire. L'action s'appelle "Motorgate - Casse moteur" et vous pouvez la retrouver ici : https://myleo.legal/fr/products/motorgate-casse-moteur
Il est trop tard pour s'inscrire désormais mais rien n'empêche d'attaquer Renault pour le même souci et de s'appuyer ensuite sur les résultats de ce collectif, que l'on espère positifs, pour demander indemnisation.
BILAN
Oui, c'est clair, le 1.2 TCe Renault, dans toutes ses déclinaisons de puissance, est un moteur mal né, et sa carrière a d'ailleurs été manifestement écourtée. Le 1.3 TCe qui le remplace est à ce jour bien plus fiable, au passage.
Les différents soucis expérimentés sont graves, et peuvent conduire à de nombreuses casses, coûteuses. Renault a d'abord minimisé le phénomène, avant d'en reconnaître l'ampleur, sans jamais communiquer dessus, ni organiser de rappel. Les prises en charges se font également à la tête du client, ce qui reste aussi assez peu fair-play.
Du coup, il est en effet difficile de conseiller l'achat en occasion des modèles fabriqués avant le 11 mai 2016, date à laquelle les dernières modifications et améliorations ont été appliquées en usine. Mais après cette date, le risque est moindre, et la mauvaise réputation permet de négocier les prix, ce qui peut faire réaliser de bonnes affaires.
Les modèles d'avant cette date redeviennent fréquentables s'ils ont été mis à niveau et que leur consommation d'huile est revenue dans des proportions raisonnables. Ils sont donc également à (re)considérer.
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