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2035, l’avènement de la voiture électrique

Dans Futurs modèles / Technologie

Jean Savary

Ma petite fiction d’il y a deux semaines sur la résistible disparition des voitures thermiques vous a plu ? Voici son exact inverse avec le triomphe de la voiture électrique. Sans douleur, ou presque…

2035, l’avènement de la voiture électrique

1er janvier 2036 : les chiffres du marché automobile 2035 viennent de tomber et avec eux, un record historique : il s’est vendu plus de deux millions et demi de voitures neuves en France. Du jamais vu. Idem en Europe avec un boom à plus de 25 millions d’immatriculations.

Autre record, la part de marché des constructeurs européens atteint les 80 %, celle des constructeurs chinois, brièvement montée à 20 % à la fin des années vingt étant retombée à 4 % après l’instauration d’une taxe communautaire sur les batteries non CEE (Compatibles avec l’Éthique et l’environnement). Sans surprise, il s’est vendu 99,8 % de voitures électriques, le 0,2 % restant désignant quelques Ferrari, Maserati, Porsche et Lamborghini carburant à l’éthanol sur circuit fermé.

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En 2023, l’essence dépasse les 3 € le litre

Le tournant a lieu en 2023 quand le prix des carburants crève le plafond des 3 € le litre. Plus que la flambée du brut à 200 $ consécutive à la fermeture du robinet russe, c’est l’effondrement de l’Euro face au dollar qui fait bondir son cours.

Suite à la grande panne de gaz du rude hiver 2022 et au débrayage des industries allemandes et italiennes, l’euro tombe à 0,80 dollar au printemps 2023, rendant l’or noir, payé en dollars, hors de prix.

On ne manque pas seulement de pétrole, mais aussi de… carburants. Car en Europe et aux États-Unis, une bonne part des raffineries arrêtées pendant la pandémie de Covid n’ont pas redémarré. Et quand la montée en flèche du prix des carburants fait s’effondrer leur consommation, d’autres sont mises en sommeil. Elles ne redémarreront plus. La prospection pétrolière s’arrête partout.

Même aux États-Unis et au Canada, l’extraction des pétroles et gaz de schiste est progressivement abandonnée faute de capacités de raffinage.

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Les pétroliers sont à la peine

Malgré son cours stratosphérique, le pétrole n’est plus une activité rentable : les yoyos imprévisibles de sa cote effrayent les investisseurs et la plupart des fonds de pension boycottent désormais tout ce qui a trait aux énergies fossiles. Une cause perdue d’autant qu’une grande décision est prise lors du G20 de 2026, le « Ratchet mechanism » (mécanisme à cliquet) entre en vigueur : le prix des carburants pétroliers ne baissera plus, toute diminution du cours devant être compensée par une augmentation de la Taxe carbone pour financer les infrastructures électriques.

Dans la plupart des États européens, le plancher - mais sans plafond - est fixé à 3,33 €/litre et la baisse de la consommation s’accélère. Le marasme du secteur pétrolier, du puits à la pompe, est tel qu’il faut instaurer pour le parc thermique et le transport routier le SPDC (Service public de distribution de carburant) dont les statuts prévoient l’autodissolution en 2050, sabordage qu’il anticipera en 2040.

C’est que les grands énergéticiens - on ne dit plus pétroliers - ne veulent plus sentir le gazole. Après avoir été taxés sur leurs « bénéfices de guerre » à la fin du conflit russo-ukrainiens, ils ont revendu une bonne partie de leurs raffineries et réseaux de stations à des fonds spéculatifs. Les énergies renouvelables sont bien plus rentables avec la manne dispensée par la BCE…

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La semaine de 30 heures… en trois jours

Mais revenons à 2023. Face à un tel choc pétrolier, la réponse de l’Union européenne est radicale. Pour sauver l’économie et garantir la paix sociale, des mesures immédiates sont prises pour réduire les dépenses en carburant : limitation à 90 km/h de tout le réseau autoroutier européen et à 70 km/h de toutes les routes, semaine de trente heures en trois jours et télétravail obligatoire pour tout automobiliste salarié du tertiaire.

L’année d’après, un grand chantier européen de réduction des mobilités est lancé : interdiction progressive du transport routier de toute denrée alimentaire sur plus de 500 km, création de bourses régionales d’échange de logement permettant de se rapprocher de son lieu de travail - avec exemption de frais de mutation et subvention du déménagement -, taxation du transport maritime, relocalisation sur le continent de nombreuses industries à forte valeur ajoutée, réimplantation de grandes surfaces en centre-ville…

Écologie et économie longtemps opposées l’une à l’autre, ressortent désormais du même paradigme et de plus en plus souvent, du même ministère.

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2023, la LOA tue les thermiques

L’essence à plus de trois euros déclenche une véritable ruée sur l’électrique : de la trottinette à la Tesla en passant par le VAE, n’importe quel engin roulant et rechargeable sur 240 Volts vaut de l’or. Tout un artisanat se lance dans la conversion plus ou moins heureuse de vélos, motos et voitures. En 2024, les ventes d’électriques bondissent à 30 % du marché français.

Certes, un marché effondré à 1,3 million d’immatriculations - 10 millions en Europe - à cause de la récession.

Mais les constructeurs ne s’en portent pas si mal. Les voitures électriques dont ils ont allègrement gonflé les tarifs, renflouent leurs marges. Stellantis admet même gagner plus d’argent sur sa Citroën Ami, dont les ventes s’envolent et désormais tarifée 8 990 € (et 11 990 € pour la nouvelle version longue 80 km/h) que sur son 3008 thermique, dernier du nom, qu’il peine à écouler.

Malgré ses tarifs encore supérieurs, les voitures électriques dépassent les thermiques pour une raison bien simple : en LOA ou LLD elles affichent des mensualités moins lourdes du fait de valeurs résiduelles bien supérieures à celles, en chute libre, des modèles essence ou diesel et même hybrides. Le différentiel ne cesse de s’accentuer et en 2030, à cinq ans de leur interdiction, hybrides et thermiques ne pèsent plus que 15 % du marché français. Mais encore 30 % à l’échelle européenne : les pays de l’Est ne s’électrifiant qu’à grand-peine ont obtenu pour eux un report à 2050 de l’échéance.

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Des EPR français en Allemagne

S’ils sont parvenus peu à peu à accroître leur production et à la rendre profitable, les constructeurs le doivent à l’Europe qui a financé et fait naître une véritable industrie de la batterie pour s’émanciper de la tutelle chinoise. Ces gigafactories – mais aussi les fabriques de chargeurs et le boom de la filière des énergies renouvelables et du nucléaire renaissant - permettent en prime d’amortir la casse sociale de l’industrie automobile.

Elles sont alimentées en lithium par les mines ouvertes un peu partout sur le vieux continent, de l'Allemagne au Portugal en passant par la Croatie…

La production de ce métal mou est si abondante que son cours finit par chuter au point que l’on ferme la mine de Tréguennec au pays Bigouden, à peine inaugurée après trois ans de ZAD. Sa production n’était pas rentable.

Même péripétie du côté de l’industrie du semi-conducteur : on en produit tellement à l’échelle mondiale que les prix s’effondrent.

Résultat, dès la fin des années vingt, les autonomies augmentent, les prix diminuent et les derniers freins à l’achat se lèvent. L’angoisse de la panne disparaît, des bornes rapides ne cessant d’éclore partout.

La disponibilité de l’électricité n‘est pas plus un souci ; avec la renaissance d’EDF et de la filière nucléaire française, les centrales affichent un taux de disponibilité de 85 % ! L’entreprise publique a retrouvé son crédit et surtout sa profitabilité après avoir sorti l'Allemagne et l’Italie de l’ornière énergétique pendant l’hiver 2023-2024. Elle exporte désormais ses EPR outre Rhin et jusqu’en Pologne.

Elle a surtout pu remonter ses tarifs au niveau de la moyenne européenne. Vu le prix du gaz et du pétrole, c’est encore une énergie bon marché.

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La voiture thermique ? Cher et compliqué

Dès lors, rouler en voiture thermique devient un luxe et au début des années trente, il ne subsiste plus dans les catalogues que quelques modèles hybrides basiques, souvent utilitaires, ou très haut de gamme, destinés aux derniers irréductibles de la combustion interne.

Au 1er janvier 2035, malgré les primes à la conversion puis à la casse, il reste environ 20 millions de thermiques immatriculées même si l’administration considère qu’à peine 5 millions parcourent plus de 3 000 kilomètres par an.

Car les faire rouler devient de plus en plus compliqué. Au-delà du coût du carburant, les stations-service se font rares et les ruptures d’approvisionnement fréquentes. En cas de panne, les pièces sont parfois introuvables- des stocks ont été ferraillés - et plus encore les compétences en mécanique. D’innombrables garages ont fermé et leurs mécaniciens se sont reconvertis dans le bâtiment, la grande affaire des années trente avec l’exode urbain qu’accentue chaque nouvelle canicule.

C’est tout l’écosystème de la bagnole à pétrole qui se disloque peu à peu. Même le petit monde de la voiture ancienne s’efface progressivement : le passage d’une 2CV ou d’une Mustang ne déclenche plus le sourire mais une toux nerveuse, on ne se marie plus en Traction – la faute de goût absolue -  on ne retape plus de 4L et toutes ces merveilles du XXe siècle ne valent plus que le prix de leur ferraille.

C’est que persister à carburer – et donc à polluer - est désormais considéré comme un comportement asocial, un atavisme de plouc égoïste, voire pire, de climato-négationniste, l’injure suprême.

En 2030, la maire de Paris enfonce le dernier clou dans le cercueil du moteur mécanique en inaugurant le Monument aux morts de la Pollution automobile : un poumon en béton haut de 30 mètres et constellé de croix noires. Suspendus au-dessus de l’organe par des filins d’acier, des moteurs de voitures plaqués or tournent doucement dans le vent.

À la fin de la cérémonie, chauffés à blanc par le discours de l’édile déroulant le combat de sa vie, une partie de l’auditoire s’éparpille dans les rues environnantes pour démolir à coups de barrières de chantier, de tables de bistrot ou de panneaux les quelques voitures thermiques qui leur tombent sous les yeux, celles de territoriaux (on ne dit plus provinciaux) venus ce dimanche, seul jour de circulation encore permis aux fumantes, visiter la capitale. Pas de blessé, aucun des casseurs n’est inquiété, aucun média ne reprend l’information, elle n’a d’ailleurs aucun intérêt.

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