Industriels et écologistes, droite et gauche : tout le monde déteste le malus au poids
Elle devait condamner les SUV, mais elle ne concernera que de très rares autos étrangères. Au final, le fameux malus au poids n’aura que peu d’effet sur la filière automobile hexagonale qui, pourtant, n’en finit pas de s’en plaindre. Elle n’aura pas non plus d’effet positif sur l’environnement. Et pourtant les Verts s’en plaignent aussi.
Il est assez rare que des mesures prises par l’exécutif fassent autant l’unanimité. Pourtant, celle qui a été promulguée la semaine passée a réussi l’impensable : réconcilier les écologistes et l’industrie automobile, mais aussi la droite et la gauche. C’est simple : absolument tout le monde est contre le malus au poids dont nous connaissons désormais les détails. Beaucoup trop laxiste pour les uns, entrave à la liberté de circuler pour les autres et coup de poignard dans le dos de la filière auto pour d’autres encore, chacun a ses petits griefs et tous rejettent le texte. Les écologistes sont vent debout, la droite hurle à la destruction de l’industrie hexagonale et la gauche à l’inefficacité de la mesure. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir dans cette affaire, elle démontre qu’un texte mal goupillé est, au mieux une fausse bonne idée et, au pire, une catastrophe politique.
Sus au SUV
Mais revenons au début de l’affaire. L’ennemi, réel ou supposé, on le connaît : c’est le SUV, qui représente 40 % des ventes. Pour stopper une progression, taxons. Ce vieil adage fonctionne généralement parfaitement alors pourquoi pas cette fois. Ça tombe bien, parmi l’une des 150 propositions de la convention citoyenne pour le climat rédigée au printemps dernier, figure justement une taxe pour les autos les plus lourdes, et donc les plus énergivores. Et qui c’est le plus lourd ? La camionnette à grosses roues pardi.
La limite de ce malus échafaudé par la convention est fixée à 1 400 kg et, au-delà, l’acheteur paie ce qui dépasse. L’idée est soutenue par la ministre de la transition écologique Barbara Pompili à la rentrée de septembre, sauf que très rapidement, à Bercy, on s’aperçoit de la bourde : les autos les plus lourdes sont celles que l’on veut justement promouvoir : les électriques. Et que les SUV taxés sont parmi les rares autos fabriquées en France. Et voilà la mesure purement et simplement désavouée par Bruno Le Maire, ministre de l'économie. Mais à la transition écologique on est pugnace. Et, en plus, à Matignon, on n’a pas trop envie de passer pour des anti-écolos de base. Alors, pour sortir par le haut de cette sale affaire, on choisit une cote mal taillée publiée il y a quelques jours : un entre-deux qui doit plaire à tout le monde, mais qui au final ne plaît à personne. En l’occurrence, un malus qui début à 1 800 kg avec des dérogations plein les bras.
Les constructeurs français épargnés
Sitôt la nouvelle taxe promulguée (et applicable au 1er janvier 2022), tout ce que l’auto compte de professionnels s’en offusque. Le CNPA (conseil national des professions automobiles) nous explique que ce dispositif ajoute « des difficultés aux difficultés » et que la filière n’a pas besoin de « dispositions qui alourdissent (sic) un contexte particulièrement difficile. » Mais de quelles difficultés parle-t-on ? Les 1 800 kg fatidiques ne sont atteintes par aucune voiture française. Peugeot 5008 et DS7 Crossback arrivent à peine au-delà de 1 500 kg. Halte-là : la version Hybrid4 300 e-EAT8 du 3008 les dépasse de 53 kg et serait donc taxé de 530 euros. Raté : les hybrides rechargeables sont exemptés. Même dérogation pour les autos entièrement électriques.
Restent les très grands SUV souvent allemands. BMW X5, Mercedes GLS, Audi Q8, ils dépassent tous la barre fatidique. Sauf que ces modèles existent en version hybrides rechargeables et 80 % d’entre eux sont immatriculées par des entreprises et non par des particuliers. Ce qui limite d’autant l’impact de la mesure. Et le chiffre avancé par Barbara Pompili, qui estime que 2 ou 3% du parc sera touché, soit 50 000 à 60 000 autos, pourrait être en réalité bien inférieur. L’on peut d’ailleurs imaginer que la ministre a avancé ce chiffre pour tenter de rallier à sa cause les écologistes peu convaincus de l’efficacité de la mesure. Ce en quoi ils n’ont pas tort.
Une taxe sur les plaintes : la bonne recette fiscale
On le voit, au final, cette demi-mesure, qui devait calmer le secteur automobile tout en offrant des signes encourageants à l’électorat vert déplaît à tout le monde. La bonne idée de départ (tenter d’enrayer la progression des SUV) se traduit donc par une très mauvaise idée à l’arrivée, puisque non seulement elle a un effet nul en matière d’environnement, mais qu’en plus elle réussit l’exploit de braquer l’ensemble de l’échiquier politique économique et sociétal, même si c’est pour des raisons fort différentes. Si un jour, l’exécutif devait enfin inventer une taxe susceptible de faire entrer de l’argent en masse dans les caisses (vides) de l’État, nul doute qu’un malus sanctionnant les plaintes pourrait s’avérer efficace.
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