L'automobile : le salut du cinéma iranien
À l'écran actuellement, Hit the road, le dernier film du réalisateur iranien Panah Panahi est un road trip en voiture, "dernier refuge de la liberté en Iran". Son père Jafar Panahi, a lui aussi filmé les autos, tout comme le grand cinéaste local Abbas Kiarostami. L'automobile, dernier instrument de lutte contre la dictature des mollahs ?
Il n'est en salle que depuis le 27 avril, mais étant donné la confidentialité de ce Hit the road, mieux vaut se dépêcher pour l'apprécier. Car la qualité du film de l'iranien Panah Panahi mérite bien de bousculer quelque peu son agenda. L'histoire en est pourtant fort simple : une famille de Téhéran décide de traverser le pays en voiture, destination la Turquie. L'auto, c'est un bon vieux 4X4 Mitsubishi, pas un Outlander hybride et moderne, mais un Pajero long capable d'affronter les plaines arides du pays.
On ne spoilera pas les vraies raisons de ce trip familial, mais là n'est pas l'essentiel. Car, à l'instar de tous les road trips depuis que le genre existe, l'important n'est pas la destination, mais le voyage lui-même. Et il se passe dans l'habitacle, entre un père à la jambe plâtrée, un fils aîné pessimiste, son petit frère ultra-bavard et la mère qui est capable de rire et pleurer dans la même scène. Il se passe aussi dans des paysages paumés que l'équipage découvre et qui n'auraient que peu d'attraits sans le talent du réalisateur qui a de qui tenir, puisque c'est le fils de Jafar Panahi, réalisateur, entre autres, de Taxi Téhéran.
Un taxi pour le père, un road trip en 4x4 pour le fils ? Mais pourquoi cette famille d'artistes iraniens c'est elle entichée d'automobile ? C'est Panah, le fils, qui livre l'explication. "En Iran, la voiture c'est la liberté, celle de voyager, bien sûr, mais celle aussi de se parler, sans être surveillé". La bagnole dernier rempart contre la dictature qu'elle soit religieuse, civile ou militaire ? C'est également ce que son père laissait entendre dans son film qui se déroulait entièrement dans un taxi. Le réalisateur, censuré par les Mollahs, conduisait lui-même la voiture et, avec une caméra à bord, filmait ses clients, vrais ou faux, puisque le régime lui interdisait de tourner de manière officielle.
Cet attachement à la voiture, et à la liberté qu'elle procure, n'est pas l'apanage des seuls Panahi. L'autre grand réalisateur iranien, Abbas Kiarostami, palme d'or à Cannes en 1997 pour le Goût des cerises en a truffé son œuvre, avec notamment son film Ten qui se déroule entièrement dans un habitacle, au point que le Centre Beaubourg lui consacre une expo en 2008, tout simplement baptisée "dans la voiture d'Abbas Kiarostami'.
Il est curieux d'observer les Iraniens, et les artistes qui expriment ce qu'ils ressentent, tant attachés à leur liberté symbolisée par l'automobile, alors que nous autres occidentaux privilégiés avons tendance à nous en détacher dans nos sociétés démocratiques. Comme si nous n'avions plus besoin de ce cocon de sécurité puisque nous ne sentons pas surveillés. Du moins par ceux qui nous gouvernent.
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