La beauté des laides - Renault Vel Satis : le vilain gros canard aux qualités de grand cygne blanc
Née avec une ligne difficile et une fiabilité déplorable, la grande berline du losange trimbale sa mauvaise réputation depuis près de 20 ans. Mais derrière les grilles baroques de sa face avant se cache un vaisseau de douceur et de tenue de route exceptionnelles.
La question s’est posée pendant des années. Qu’est ce qui a bien pu pousser Patrick Le Quément, talentueux pilier du design de la maison Renault de 1987 à 2009, à créer la Vel Satis ? Après une enquête poussée, nous avons enfin découvert sa source d’inspiration : les trains qui sillonnaient le far-west au XIXe siècle. Le directeur du style du losange, à qui l’on doit notamment la Twingo, la seconde génération de Mégane et le Scénic, a trop regardé les Mystères de l’Ouest. Voilà pourquoi il a affublé sa grande berline de cette fameuse grille qui ornait l’avant des locomotives américaines.
Mais les rêves du designer n'étaient pas ceux de ses clients et la Vel Satis a eu beaucoup moins de succès que la série. La faute n'en incombe pas seulement à sa face avant si particulière, mais plutôt à une accumulation de soucis d'ordre esthétique, avec une ligne qui ne sait pas trop à quel genre se vouer, oscillant entre monospace, compacte boursouflée et berline revisitée.Elle s'est aussi trainé une réputation non usurpée de manque de fiabilité. C'est beaucoup pour une seule voiture et au final, la Vel Satis, dont même le nom semble incongru (un condensé de vélocité et de satisfaction) est devenue le vilain canard de l'ex-Régie, avec 62 000 ventes au compteur seulement, pour un investissement de départ de plus de 630 millions d'euros qui n'a jamais été rentabilisé malgré une carrière de 7 ans, de 2002 à 2009.
Une routière de rêve
Mais une fois ressassés les défauts stylistiques, redescendons sur terre, ou plutôt sur l'asphalte où la Vel Satis excelle. Que celui qui n'a jamais goûté et apprécié le confort de roulage de la grande Renault taise ses critiques à jamais. À bord de cette auto, tout n'est que calme et volupté et l'on entend à peine les quolibets des passants moqueurs. Dans l'habitacle, pas de sièges communs aux autos plébéiennes, ni de vulgaires baquets Recaro, juste bons à contenter les sportifs dominicaux, mais des fauteuils de carrosse, réglables des lombaires jusqu'aux bouts des orteils, ou presque.
Certes, une ergonomie parfaite n'est pas toujours signe de bon goût et les fauteuils des résidences seniors en témoignent souvent. Sauf que dans cette auto, le style et la fonction ont fait alliance. La planche de bord n'est pas qu'un amas de plastique : c'est une vague océanique, constellée d'incrustations de bois blond. On peut, à la rigueur, rester de marbre devant le mariage de ce même bois avec des plastiques sombres. La place à bord ? Il y en a revendre, à l'arrière comme devant. Quant aux équipements, pour l'époque, ils sont royaux. Ce palace roulant dispose même de moteurs plutôt alertes pour certains, lorsqu'ils sont en état de fonctionner.
La fiabilité ? Un truc pour conducteurs apeurés
Parmi ces blocs essence ou diesels, dont deux V6, excusez du peu, prenons le plus courant : le quatre cylindres 2.2 DCI 150 ch gazole. Il est parfait et sa puissance comme son couple sont à la bonne mesure de l'auto. Il n'est pas très fiable ? Certes : son turbo et ses injecteurs ont une fâcheuse tendance à rendre l'âme avant l'heure. Mais ce sont bien là des considérations de conducteurs qui n'ont aucun goût pour l'aventure. Car le charme de la Vel Satis tient aussi dans ses facéties mécaniques, dans ces voyages où l'on n'est pas certain d'arriver à l'heure prévue, dans ces expéditions incertaines. Et puis, rien n'empêche son conducteur d'embarquer quelques pièces détachées, au cas où, puisque le grand coffre de 520 litres le permet. Elles sont chères ? C'est vrai, mais les économies réalisées lors de l'achat d'occasion de la grande Renault permettaient de s'offrir ce petit plaisir.
Pourtant, lors de sa vie commerciale, la Vel Satis était chère, puisqu'elle se vendait entre 33 000 et près de 56 000 euros. Un tarif élevé qui a, lui aussi, plombé la carrière du vaisseau. Mais d'occasion, même récente, elle était totalement bradée et vendue largement en deçà de sa cote. À tel point que nombre de ses clients, qui s'étaient saignés pour s'en offrir une neuve et rutilante, n'en croyaient pas leurs yeux lorsque leur garagiste leur proposait une reprise insignifiante -s'il acceptait de la reprendre - tant il redoutait de ne pas pouvoir la revendre, même à prix fracassé.
Un destin contrarié
Prix minimum et confort maximum : l'auto a tout pour séduire, même aujourd'hui. Sa ligne est rédhibitoire ? Nombre de SUV au succès incontesté sont à peu près taillés dans la même enclume. Aujourd'hui encore, c'est l'auto des vrais connaisseurs, surtout s'ils sont bricoleurs. Alors, il est temps de fonder l'ARV (association de réhabilitation de la Vel Satis) et de se précipiter sur un modèle encore existant, avant que l'auto ne devienne un absolu collector, puisque c'est le sort de nombre de voitures au destin contrarié. Même si, dans le cas de la grande Renault, ce sont certains de ses propriétaires qui ont été contrariés.
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