Le futur automobile n’est plus ce qu’il était
Avec environ 800 000 permis délivrés chaque année, le nombre de nouveaux conducteurs ne baisse pas. Pourtant, les usages ont évolué. Savoir passer les rapports n’est plus obligatoire quand maîtriser les aides à la conduite est indispensable. De quoi se demander à quoi ressemblera le conducteur du futur.
Tout a commencé avec cette demande de conseil pour l’achat d’une voiture d’occasion. Une requête habituelle à un détail près, la personne a passé son permis sur une Renault Zoé. Diantre ! En un clignement de cils, nous voilà passé du double débrayage à la conduite quasi autonome. Ce qui suscite en nous une interrogation majeure : à quoi va ressembler la conductrice ou le conducteur du futur ?
Les délires de l’époque
Dans les années 90, l’automobile du futur était vu comme un engin technologique. Les idées délirantes à la pertinence douteuse abondaient. Les concept cars des salons captivaient. On n’avait pas idée de comment cela fonctionnait, mais ça impressionnait, avec pour preuve la De Lorean de Retour Vers le Futur, ou la Pontiac Firebird de K2000. Dans l’esprit populaire, parler à sa voiture qui se déplace seule est une utopie, tandis que l’on croit ou plutôt on espère que les voitures, dans le futur, voleront.
C’est toute l’ironie de la chose puisqu’en 2022, les voitures qui sont dans la grande majorité des SUV ne volent pas. En revanche, nous pouvons parler avec elles et elles se conduisent seules, ou presque.
Les prémices de la voiture autonome
Le GPS
Parler d’avenir c’est avant tout parler du passé. Nous sommes en 2000, le GPS envahit les murs de magasins grand public et pose la première pierre de la mutation automobile. Les boîtiers GPS sont LE cadeau des fêtes de fin d’année. Préparer sa feuille de route, lister les sorties, connaître son trajet ne sont qu’un souvenir. Désormais, une machine nous dirige et crée une dépendance qui sera source de panique dès lors que l’appareil est en peine.
La voiture autonome grand public s’infiltre sournoisement, tandis que des essais étaient déjà pratiqués en 1977 à Tsukuba et tout au long de la fin du 20ème siècle, principalement à des fins militaires. Un fantasme dont les technologies nécessaires n’étaient alors pas disponibles.
Le GPS sous sa forme traditionnelle va mourir rapidement, le smartphone cannibalisant tous les appareils, le GPS y passe forcément. Puis il affiche le trafic grâce à sa connexion passée à la 3G. Désormais, non seulement le chemin est indiqué, mais il est modifié en temps réel. Revers de la médaille, cette confiance aveugle envers le GPS va engendrer des accidents, les conducteurs préférant se fier à la machine plutôt qu’à leurs yeux (ou leur bon sens, c’est selon).
Dès 2005, Google planche sur sa solution GPS et s’impose rapidement avec Maps, car le logiciel est gratuit, mis à jour en temps réel et affiche le trafic. Il manque une seule chose : l’aspect communautaire permettant un signalement en temps réel d’un danger, d’une déviation et des radars. Ce que propose Waze, petite start-up Israélienne, que Google rachète 996 millions de dollars en 2018.
Ce qui n’empêchera pas le consortium Audi, BMW et Daimler de racheter la solution GPS Here Maps à Nokia pour 2,8 milliards de dollars en 2015.
Les assistances à la conduite
Quiconque a déjà effectué de longs trajets sait que le régulateur est un soulagement pour le pied droit. S’il semble récent chez nous en France, il faut savoir que son invention date de 1945 et que son inventeur Ralph Teetor, aveugle, a imaginé et créé cette solution parce que son avocat n’était fichu de maintenir sa vitesse.
Aujourd’hui, nous trouvons le régulateur adaptatif et l’aide au maintien dans la voie dès les milieux de gammes automobiles.
C’est ce que l’on appelle, la conduite autonome de niveau 2.
A ces aides s’ajoute une autre sécurité : le détecteur de fatigue. Il va de l’alerte après deux heures de conduite à l’analyse des gestes du conducteur. Si ce dernier corrige moins souvent la trajectoire et le fait de manière brutale, la voiture le prévient qu’il pique du nez et qu’il doit s’arrêter prendre une boisson à forte teneur en caféine. Boisson qui lui donnera envie de s’arrêter à nouveau peu de temps après d’ailleurs.
Mais la fatigue n’est pas seule à engendrer des accidents. Le trouble de l’attention est responsable de 20 % d’entre eux, se plaçant devant la vitesse. Et ce ne sont pas les tablettes tactiles géantes embarquées dans les voitures qui vont faire diminuer cette statistique. D’ailleurs, Mercedes, qui place un écran sur toute surface vide de l’habitacle ou presque a mis au point un système d’analyse du regard du conducteur sur son EQS : si l’auto constate que le conducteur regarde l’écran du passager, elle décide de l’éteindre. Comme ça !
On terminera par les caméras permettant la détection de piéton et l’activation du freinage automatique. La voiture peut anticiper et freiner pour éviter une collision et ce, sans que la conductrice ou le conducteur ne puisse y faire quoi que ce soit.
Au fil des avancées, ces aides ont placé le véhicule au même niveau de décision que le conducteur dans les situations critiques. Le clou du spectacle venant de l’autopilote disponible dans les Tesla. Système permettant d’atteindre la conduite autonome de niveau 3. Système faillible puisqu’il a été en cause dans de nombreux accidents violents dont certains mortels. Accidents qui auraient peut-être pu être évités si l’ensemble des véhicules étaient autonomes et capables d’échanger des informations entre eux. Enfin, les véhicules autonomes peinent à évoluer dans un système où ne circulent pas uniquement d’autres engins autonomes et avec lesquels ils ne peuvent interagir.
L’humain avec la machine ou vice-versa
En aviation, Boeing et Airbus partagent deux visions distinctes du pilotage. Pour le constructeur américain, la machine assiste le pilote. Pour Airbus, c’est au pilote d’assister la machine. En automobile, on est, pour le moment, dans une approche façon Boeing. À un détail près : les pilotes d’avions suivent obligatoirement des formations spécifiques sur les nouvelles aides au pilotage. L’automobiliste se forme seul entre deux feux rouges.
Entre l’ESP, le régulateur adaptatif, l’aide au maintien dans la voie, la boîte automatique, le GPS et le détecteur de fatigue, nous avons plus l’impression que la voiture se bat contre son conducteur qu’elle ne l’aide. À cela s’ajoutent l’isolation sonore, le confort, l’impression de vitesse réduite et par conséquent, la monotonie.
L’assistance se place alors dans un entre-deux vicieux : d’un côté on aimerait tout laisser à la machine mais il est difficile de le faire sereinement. De l’autre, on souhaite tout contrôler. C’est justement l’assistance qui s’avère souvent gênante, comme cette vibration du volant qui détecte un léger franchissement de ligne lorsqu’on se décale pour laisser passer un motard, ou le régulateur adaptatif qui ralentit fortement à cause d’une voiture sur le côté. On se retrouve à aller contre la machine.
Évidemment, il faudra, en cas d’erreur déterminer à qui attribuer la responsabilité. Ça tombe bien, puisqu’avec ces technologies embarquées, créer une boîte noire a été très simple. Elle ne vous veut pas de mal. Au contraire, elle permet de vous innocenter si la voiture a un problème, pour « votre bien ». Dans ce cas, n’est-il pas plus sûr pour le conducteur de laisser 100 % de la conduite au véhicule qui, alors, serait le seul responsable en cas d’incident ?
Le conducteur du futur
Ces appréhensions des nouveaux systèmes sont ceux de conductrices et de conducteurs qui ont vécu la transition. Si vous n’avez jamais connu de boîte manuelle et avez appris à conduire avec toutes les assistances, alors la conduite assistée et guidée ne vous gênera pas. Cela ne vous manquera même pas.
Le conducteur du futur ne conduira probablement plus. Puis qui souhaite rouler en ligne droite à 110 km/h sur des autoroutes immenses ou à 20 km/h dans les bouchons ? Qui ne préfère pas regarder le paysage défiler ou se reposer ?
Le problème avec le conducteur du futur, c’est qu’il sera simplement l’hôte d’engins automatisés. Il en sera dépendant. Puis cette boîte noire embarquée qui risque de faire passer l’envie de moments d’intimité dans sa voiture. C’est un sacré paradoxe puisque le permis de conduire et la voiture sont justement le symbole de la liberté et de l’indépendance. Le conducteur du futur se transforme en candidat de téléréalité à chaque fois qu’il monte dans sa voiture. Il sera un élément d’un système dont il n’osera plus prendre les commandes.
Mais il y aura une poignée d’irréductibles, qui souhaiteront sentir l’odeur de l’essence, le vent sur le visage, enroulant les virages de routes perdues, tortueuses, passant les rapports à l’oreille, sentant les vibrations, les fesses à quelques centimètres du sol. L’autre conducteur du futur sera un passionné qui appréciera l’émotion que procure la conduite. Il cherchera la sensation de vitesse sans forcément aller vite, le plaisir de se mouvoir. Il se fichera de rejoindre le plus rapidement possible sa destination. Il pestera contre les lignes droites et embrassera chaque courbe se présentant à lui. Le vieux conducteur du futur sera cette espèce en voie d’extinction qui se dit que, fichu pour fichu, autant apprécier chaque kilomètre comme si c’était le dernier, avec une voiture dont il faudra chercher la panne en utilisant les sens plutôt qu’une valise.
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