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PSA et Renault, Tavares et Ghosn : deux Carlos et deux stratégies

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

 Outre leur prénom, Carlos Tavares et Carlos Ghosn ont plusieurs points communs. Tous deux ont travaillé ensemble au sein de Renault, et tous deux sont des cost-killers. Mais à la tête de PSA, l’un a fait mieux que redresser la barre, alors que l’autre, lorsqu’il était le capitaine du bateau Renault-Nissan, l’a laissé dériver dans la tempête. Comparatif de deux formes de gouvernance opposées.

PSA et Renault, Tavares et Ghosn : deux Carlos et deux stratégies

L’un est gagnant, l’autre pas. Lorsque PSA rit et engrange 3,2 milliards de bénéfices, Renault pleure et essuie 141,5 millions de pertes. L’un a réalisé un exploit, tandis que l’autre a connu le désarroi au cours du même exercice 2019. Et l’un comme l’autre a, ou avait, à sa tête un Carlos. Évidemment, Carlos Ghosn, arrêté le 18 novembre 2018 au Japon, clame haut et fort depuis lors, et il l’a répété au cours de sa mémorable conférence de presse libanaise, que la situation du groupe s’est dégradée depuis son absence. Vraiment ? Ainsi donc, soudainement, dès que le chat tourne le dos, les souris dansent et gaspillent tout le fromage ? Cette réaction est a minima désobligeante pour les équipes de Renault qui tentent de maintenir le navire à flot, et a maxima totalement erronée. Car cette situation - et les baisses de bénéfices enregistrées par Nissan qui ont eu des répercussions directes sur le bénéfice de Renault - est bien liée à la stratégie financière et industrielle mise en place par son ex-boss depuis plusieurs années.

 

Selon Carlos Ghosn, les déboires de Renault seraient liés à son absence à la tête du groupe.
Selon Carlos Ghosn, les déboires de Renault seraient liés à son absence à la tête du groupe.

Des années durant lesquelles l’autre Carlos a lui aussi mis en place une stratégie. Arrivé à la barre d’un groupe en faillite en 2013, que seule l’intervention de l’État (et des actionnaires qu’il s’en est allé chercher, comme le chinois Dongfeng) a permis de sauver, Carlos Tavares a plus que redressé PSA : il en a fait une machine à gagner.

Comment ? Principalement grâce aux leçons apprises auprès de l’autre Carlos. Des leçons qui se réduisent finalement à une sentence auvergnate : « un sou est un sou », selon laquelle les petites économies réalisées font les grands profits accumulés. Notamment au travers de plateformes partagées le plus rapidement possible, en moins de trois ans, après le rachat d’Opel par PSA. C’est le cas de la nouvelle Corsa jumelle de la 208, du Crossland X mécaniquement similaire au Peugeot 2008, ou du Grandland X proche du Peugeot 3008. Économies encore, en supprimant les modèles peu ou pas rentables, comme le Peugeot RCZ, les Opel Adam, Karl ou Mokka.

Économies toujours, avec le resserrement de la vis des dépenses internes et la renégociation de l’ensemble des contrats qui liaient le groupe à ses fournisseurs, quitte à générer des problèmes sociaux chez les fournisseurs en question. Reste que du seul point de vue de PSA, la paix sociale est garantie, puisque les salariés vont percevoir une prime de 4 100 euros, et la paix financière également, du moins à court terme.

Carlos Tavares a suivi les bons conseils de son ex-mentor, et évité les mauvais.
Carlos Tavares a suivi les bons conseils de son ex-mentor, et évité les mauvais.

Pourtant, si Carlos Tavares a bien retenu les leçons de son mentor Carlos Ghosn, qu’il a quitté pour rejoindre PSA, comment se fait-il que Renault ne soit pas dans la même forme flamboyante que Peugeot-Citroën ? Le Losange a gagné 3,5 milliards en 2018, soit plus que PSA un an plus tard, pour plonger en 12 mois vers le déficit qu’on lui connaît aujourd’hui. Une plongée qui lui a valu, la semaine passée, d’être classé, par l’agence de notation Moody’s, comme valeur spéculative, la pire des notes possibles.

La seule absence de Carlos Ghosn au cours de cette période sombre ne saurait être une explication suffisante. Chacun s’accorde à reconnaître au Franco-Libanais des qualités de gestionnaire hors pair, et il l’a démontré au cours des dix premières années de son mandat à la tête de l’Alliance. La réduction des coûts, il l’a largement appliquée à ce moment-là, et plutôt drastiquement chez Nissan.

Montée en gamme vs braderie

En quelques années, le constructeur s’est tiré d’affaire. Mais peut-être que Carlos Ghosn, s’il est un brillant redresseur, n’est pas le meilleur pour maintenir à flot un navire en bonne santé. Pour s’imposer en tant que premier constructeur mondial, l’homme a misé sur les volumes de ventes, bradant les Nissan américaines, au détriment des marges. En parallèle, il s’est désintéressé de Renault, tant que l’ex-Régie gagnait de l’argent grâce à ses 43 % d’actions chez Nissan et que des jeux comptables permettaient d’afficher de bons bénéfices.

Du côté de Tavares, la leçon du cost killing semble avoir été reçue 5/5, mais sa stratégie de ventes et de positionnement de produits est inverse. Les Peugeot, notamment, ne sont plus bradées depuis qu’il est aux affaires. La montée en gamme de la marque vers l’entry premium (un positionnement semblable à celui de Volkswagen) porte ses fruits et la marge opérationnelle atteint aujourd’hui 8,5 %, soit plus que Porsche, une marque réputée pour être une véritable machine à cash.

Pourvu que ça dure

Un Carlos peut donc en cacher un autre. Si le premier a échoué par trop d’ambition (et non pas en raison de son absence à la gouvernance de Renault en 2019), le second a réussi son pari en appliquant les préceptes du premier. Pourvu qu’il se contente de n’appliquer que ceux de la première partie de la carrière de Ghosn, et surtout pas celles de la seconde.

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