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Quand les ventes de voitures d’occasion toussent, c’est toute l’automobile qui trinque

Dans Economie / Politique / Marché

Michel Holtz

Non, les ventes de seconde main ne se portent pas si bien que certains médias l'affirment, surtout en ce qui concerne les autos récentes. Crise des semi-conducteurs oblige, les délais de livraison des voitures neuves se sont allongés. Résultat : les acheteurs se sont précipités sur les voitures en stock peu kilométrées jusqu'à provoquer une pénurie qui n'est pas sans conséquence sur les réseaux de distribution.

Quand les ventes de voitures d’occasion toussent, c’est toute l’automobile qui trinque

On a pu lire, entendre et voir dans certains médias, que le marché des autos d'occasion ne s'est jamais aussi bien porté et qu'il se flatte d'une hausse de 47 % des immatriculations au mois de mai 2021. Un chiffre faramineux, mais totalement à côté de la plaque (d'immatriculation en l'occurrence). Car la comparaison est surréaliste, puisqu'elle correspond au mois de mai 2020, date de sortie du premier confinement dans un marché alors convalescent après deux mois et demi d'arrêt total. En réalité, le marché des ventes d'occasion est en très légère baisse par rapport au même mois de 2019, avec 471 950 autos immatriculées cette année contre 483 113 deux ans auparavant.

Les occasions récentes en pleine pénurie

Une comparaison certes plus réaliste, mais si l'on observe ces chiffres d'un peu plus près, on constate que les grandes perdantes sont les ventes d'occasions très récentes de moins de deux ans. Ces dernières représentaient plus de 10 % des ventes avant la crise du Covid, et elles ne dépassent pas, ces temps-ci, plus de 5,3 %. Les acheteurs se seraient-ils détournés de ces autos ? Bien au contraire : ils se sont jetés sur ces bonnes affaires en début d'année, au point de créer un début de pénurie dans les showrooms qui commencent à manquer cruellement de modèles presque neufs, ces "VO 0 km", comme on appelle ces véhicules de démonstration ou de direction, qui affichent parfois 50 ou 100 km au compteur, sont déjà immatriculés et législativement considérés comme des autos d'occasion en bénéficiant de remises avoisinant souvent les 20 %.

Les chaînes de Renault Douai, ou sont assemblées les Trafic sont temporairement à Évidemme
Les chaînes de Renault Douai, ou sont assemblées les Trafic sont temporairement à Évidemme

Évidemment, on pourrait en conclure que le consommateur est prêt à sacrifier plus souvent qu'avant quelques-uns de ses desiderata (puisqu'il ne peut pas choisir la couleur ou l'exact niveau de finition de la voiture proposée) pour la payer moins cher. C'est vrai. Mais l'engouement soudain naît aussi et surtout d'une autre motivation : la crise des semi-conducteurs. Le manque de ces précieuses pièces pousse certains constructeurs, comme Renault, à stopper leur production temporairement. D'autres encore retirent certains équipements, faute d'approvisionnement, à l'instar de General Motors.

Des délais de livraison qui s'allongent

Résultat : de nombreux modèles ne sont pas disponibles dans la configuration demandée, ou exigent des délais qui peuvent facilement dépasser 6 mois. Du coup, un client qui se voit annoncer de telles attentes n'hésite pas longtemps lorsque l'auto qu'il convoite, ou un modèle qui s'en approche, lui fait de l'œil dans le showroom, qu'elle est affichée à 20 % de moins que le prix neuf et qu'il peut en prendre possession dans quelques jours. Et peu importe si sa couleur n'est pas du gris exact de celui dont il rêvait. Sauf que ces autos peu kilométrées et récentes se font de plus en plus rares en raison de l'engouement qu'elles suscitent.

Les ateliers de réparation souffrent à leur façon de la pénurie.
Les ateliers de réparation souffrent à leur façon de la pénurie.

Une telle situation fait fuir les clients et les rend attentistes, ce qui ne fait pas l'affaire des concessionnaires. Mais la perte de ventes n'est pas leur seule déconvenue. Car une auto d'occasion peu kilométrée est également une bonne affaire pour les ateliers de réparation. Non pas parce qu'elles tombent en panne plus souvent que les autres, mais parce qu'elles sont vendues sous garantie de deux ou trois ans, voir plus. Et durant toute cette période, c'est le garage vendeur qui en assure l'entretien, en refacturant le coût des travaux au constructeur.

Des autos dont l'entretien est garanti

Une bonne affaire pour les garagistes qui, de ce fait, n'ont pas à accorder de remise sur les travaux, et n'ont aucun temps à perdre en hésitation ou négociation avec le client. Ils vendent certes des autos d'occasion plus anciennes, âgées de plus de trois ans, voir de plus de cinq ans. Mais dans ce dernier cas, les prix sont moins élevés, et leurs marges aussi. Mais en plus, passés les trois mois de garantie obligatoire sur tout véhicule vendu, l'entretien se fait généralement dans les réseaux de la grande distribution spécialisée, type Midas, Norauto ou feu vert, et le marché leur échappe aux concessionnaires classiques.

Un SUV Cadillac Escalade récent et très prisé des vendeurs américains.
Un SUV Cadillac Escalade récent et très prisé des vendeurs américains.

Alors comment les distributeurs peuvent-ils s'en sortir ? À l'américaine peut-être. Confrontés à la même pénurie de voitures récentes d'occasion, en pire, certains concessionnaires locaux ont prix les choses en main : ils ont envoyé leurs vendeurs dans la rue, qui prime à la clé, tentent de racheter des autos récentes en allant à la rencontre de leurs propriétaires. Autre technique, autres concessionnaires : certains conditionnent la vente de voitures neuves à une reprise. En d'autres termes, un client peut acheter une auto non encore immatriculée, à condition qu'il se sépare de sa voiture précédente, si elle est récente.

Nous n'en sommes pas là dans l'hexagone, mais les mois d'été, peu propices à la vente de voitures ne devraient pas arranger les choses des différents réseaux de distribution qui tous prient pour qu'à la rentrée, les semi-conducteurs soient à nouveau livrés aux usines, que les chaînes repartent et que la filière des occasions récentes en fasse de même.

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