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Que finance exactement la manne des amendes routières ?

Dans Pratique / Budget

Stéphanie Fontaine

Chaque année, c'est la même rengaine : les recettes issues de la répression routière ne serviraient pas, en majorité, à l'amélioration de la Sécurité routière. Dès lors, quelle est la part qui lui revient vraiment ? Difficile à dire. À quoi sert l'argent des radars et des autres PV ? Mystère ! Tout cela est-il bien légal ? Pas vraiment, apparemment. Et alors ? Rien…

Que finance exactement la manne des amendes routières ?

On a beaucoup parlé de la hausse de 25 % des recettes des radars attendue par l’État en 2017, comme l'avait révélé Les Échos il y a quelques semaines. Plus généralement, les amendes routières devraient progresser de 10 %, selon le projet de loi de Finances pour 2017, discuté en ce moment au Parlement, pour atteindre une manne de 1,848 milliard d’euros. Qu’est-ce que l’État compte-t-il faire de tout cet argent ? Autant être clair : c’est le flou intégral ! Et il est loin d’être évident que la plus grosse part du pactole soit réservée à l’amélioration de la Sécurité routière.

Une manne de 1,848 milliard d'euros en 2017 (+10 %) :

Deux types d'amendes routières (en milliers d'euros) 2016 2017 Évolution par rapport à 2016
Les amendes radars (payées au taux forfaitaire, soit dans les délais) 672,30 € 843,60 € 25 %
Les amendes hors radars et les amendes forfaitaires majorées (y compris donc celles des radars réglées hors délais) 1008,60 € 1004,70 € -0,39 %
Soit un total de 1680,90 € 1848,30 € 10 %

La loi a beau dire que les recettes doivent normalement être "par nature, en relation directe avec les dépenses concernées", autrement dit que le produit annuel des amendes routières doive principalement servir au financement de la Sécurité routière (y compris d’ailleurs la répression), chaque année, c’est le même constat : il est quasiment impossible de savoir à quoi a servi chaque euro récolté en la matière !

Selon nos calculs, voici la répartition de ses recettes :

La répartition du produit des amendes en 2017 En millions d'euros En pourcentage
Les collectivités territoriales 664,70 € 35,96 %
L'État (pour son désendettement et son budget général) 483,80 € 26,18 %
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 424,60 € 22,97 %
La répression routière (radars, FNPC, PVE) 275,20 € 14,89 %
- dont les radars seuls (entretien et renouvellement) 221,00 € 11,96 %

En 1, les villes !

Les collectivités territoriales sont donc ainsi les premières bénéficiaires de toute cette manne, avec 664,7 millions d’euros. Officiellement, il s’agit d’une contribution visant à les équiper "pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières". Et concrètement, combien va réellement à la Sécurité routière ? On n’en sait tout bonnement rien ! Hélas, il est impossible de retracer ce que font les villes avec cet argent. Du coup, on peut tout imaginer, y compris que ces recettes financent tout autre chose…

En 2, l'État !

Le deuxième à en profiter, c’est l’État lui-même, en se récupérant près de 484 millions d’euros. Qu’en fait-il ? Pour une grosse part, les amendes routières servent tout simplement à son désendettement (pour près de 439 millions d’euros officiellement), et le reste est noyé dans son budget général. En clair, on ne sait pas non plus précisément comment ces recettes sont dépensées.

En 3, l'AFITF !

L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) prend la troisième plus grosse part du gâteau, à hauteur de 424,60 millions d’euros. La tranche qui lui sera réservée l'an prochain est même en très forte augmentation par rapport à cette année (+61,26 %).

Vu le nom que porte cet établissement public, il y aurait ceci dit de quoi, cette fois, être rassuré sur la destination de cet argent… Mais que nenni ! Si l’on en croit la Cour des comptes, l’AFITF n’est qu’une "quasi-coquille vide", un outil de "débudgétisation". "L'AFITF est un moyen de s'affranchir des principes du droit budgétaire", assène la Cour, après avoir scruté ses exercices comptables de 2009 à 2015, ce qui l’a poussé l’été dernier à rendre public un référé pour dénoncer auprès du Premier ministre Manuel Valls "l'absence de plus-value apportée" par cet "opérateur de l'État sans feuille de route ni marge de manœuvre". Ouf, n'en jetez plus la cour est pleine !

"Près des deux tiers des recettes de l'AFITF (…) sont reversées à l'État (…) et viennent abonder les lignes budgétaires du ministère chargé des transports", dixit entre autres la Cour des Comptes dans ce référé… Pas de bol : cela fait déjà plusieurs années que la Sécurité routière n’est plus vraiment l'apanage de ce ministère, mais bien celui de l’Intérieur. Et à l'AFITF, on parle bien plus du financement du tunnel ferroviaire Lyon-Turin, ainsi que du canal Seine-Nord, que de l'amélioration des routes.

En 4, la répression et donc les entreprises privées !

Plus de 275 millions d'euros sont aussi reversés pour alimenter la machine à PV - les PV radars, mais aussi plus généralement les PV électronique (PVE) -, puis gérer le fichier des permis de conduire, ainsi que les retraits de points. Du coup, les principales bénéficiaires, sur cette partie, sont les entreprises privées à qui l'État a confié des marchés publics pour faire fonctionner tout ce système (en grande partie, informatique).

On sait par exemple que la modernisation du Fichier national du permis de conduire (FNPC) - baptisée Projet "Faeton 2" - devrait encore représenter plus de 14 millions d'euros de dépenses en 2017. Pourtant, on sait d'ores et déjà que ce projet Faeton 2 est un échec total. L'application informatique qui devait rentrer en application pour rénover le système des permis de conduire ne sera jamais au point. Pourquoi alors continuer à parler de Faeton 2 ? Le mystère sur cette sombre histoire déjà racontée par Caradisiac, et dans laquelle trois hauts fonctionnaires ont été sanctionnés à des amendes allant de 500 à 1 500 euros par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), reste entier.

Pour finir, force est de constater que l'on a bien du mal à suivre ce que devient chaque année la manne appétissante des amendes routières. À quoi sert-elle vraiment ? On ne saurait le dire… Et de son côté, la Cour des Comptes a, semble-t-il, complètement lâché l'affaire !

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