Quelle place pour le véhicule à hydrogène dans les flottes ?
Alors que les ventes de modèles 100 % électriques et hybrides rechargeables ne décollent véritablement que depuis janvier, le gouvernement entend parallèlement soutenir la filière hydrogène, en misant entre autres sur le développement des piles à combustible. Coup d’œil sur le marché actuel des véhicules à hydrogène, sur les infrastructures et les perspectives.
7,2 milliards d’euros, dont la moitié sur la période 2020-2023, c’est le montant que l’État s’engage à financer au cours de la décennie pour encourager le développement global de la filière hydrogène en France, et en particulier la fabrication de piles à combustible pour l’automobile. Cette technologie est utilisée pour transformer en électricité l’hydrogène contenu dans le réservoir, ce qui représente une alternative aux batteries habituellement employées sur les véhicules électriques.
Une autonomie kilométrique bien supérieure (parfois proche des 600 ou 700 km), conjuguée à un plein de carburant réalisé en quelques minutes et à de la vapeur d’eau pour seul rejet dans l’atmosphère, voici les arguments qu’utilisent les promoteurs de la voiture à hydrogène pour convaincre leurs clients potentiels et avant tout les flottes.
Les constructeurs français se positionnent sur l’hydrogène
Renault est déjà présent sur le marché, ciblant sciemment les entreprises avec ses Kangoo Z.E et Master Z.E Hydrogen. Deux nouveaux modèles qui, grâce à la pile à combustible alimentée à l’hydrogène, voient leur autonomie kilométrique multipliée par deux voire par trois par rapport à une motorisation 100 % électrique classique. Leur temps de charge, selon la firme au losange, n’excéderait pas 10 minutes. « Ces avantages rendent les véhicules utilitaires électriques hydrogène particulièrement adaptés aux exigences et usages intensifs des professionnels dans les grandes agglomérations et jusqu’en périphérie des villes : transport et logistique, services municipaux et collectivités locales, courrier express ou spécial, etc. », commente le groupe Renault, qui compte notamment Engie parmi ses clients. Le fournisseur d’électricité et de gaz dispose en effet de plusieurs dizaines d’utilitaires Renault fonctionnant à l’hydrogène, mis au service de sa filiale Cofely en Ile-de-France.
PSA ne compte pas rester sur le quai et oriente déjà lui aussi sa future offre à destination des professionnels. Son PDG Carlos Tavares a confirmé récemment la mise sur le marché, d’ici un an, de variantes à hydrogène destinées à compléter sa gamme d’utilitaires Peugeot Expert, Citroën Jumpy et Opel Vivaro. Des expérimentations menées d’ailleurs, comme pour Renault, en partenariat, avec Symbio, une co-entreprise spécialisée dans la pile à combustible fondée par les équipementiers Michelin et Faurecia. Ces premiers fourgons carburant à l’hydrogène serviront pour PSA à « démontrer les bien-fondés de cette technologie », explique le motoriste. « C’est une première tentative pour tester les attentes des consommateurs. »
Toyota et Hyundai conservent une solide longueur d’avance
Côté marques étrangères, ce sont les voitures particulières qui jouent les défricheuses. Honda et Mercedes par exemple, réservent initialement leurs modèles respectifs Clarity et GLC F-Cell à certains marchés un peu plus mûrs sur l’hydrogène, tels que l’Amérique du Nord, le Japon ou l’Allemagne. Les enseignes BMW, Jaguar, Ford ou encore Audi travaillent également sur des projets, sans préciser les zones de commercialisation.
Deux constructeurs, Toyota et Hyundai, sont encore plus en avance sur le sujet, et distribuent quant à eux déjà leurs modèles en France. La Toyota Mirai est la pionnière des voitures à hydrogène. Elle revendique plus de 500 kilomètres d’autonomie. La compagnie de taxis parisienne Hype, entre autres clients, l’a commandée massivement depuis 2015, recourant dans une moindre mesure à des SUV Hyundai ix 35 FC puis Nexo, opus profitant d’un potentiel de 700 kilomètres d’autonomie. Le motoriste coréen s’est pour sa part imposé ces dernières années comme le leader mondial sur le marché des voitures à hydrogène, avec 4 808 ventes enregistrées en 2019. Il vient d’annoncer le lancement prochain d’une campagne de promotion visant à faire connaître aux conducteurs européens les vertus de l’hydrogène.
Les limites actuelles au déploiement à grande échelle
L’Association Afhypac, qui rassemble les professionnels français de la filière hydrogène et de la pile à combustible, est convaincue que le succès du développement de la mobilité hydrogène repose sur le déploiement concomitant de véhicules pour des flottes commerciales et publiques et d’infrastructures de recharge appropriées.
Or, il n’existe à ce jour qu’une quarantaine de stations de recharge en France. L’objectif des professionnels de la filière est de franchir le cap des 100 stations d’ici à 2023, de faire en sorte que la distance moyenne entre elles soit réduite de 300 à 150 kilomètres et de les rendre accessibles plus systématiquement aux utilitaires légers et aux voitures particulières.
En attendant que ces recommandations puissent aboutir, l’Afhypac se félicite du plan de soutien officialisé au début du mois par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et la ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili. Un plan que l’association qualifie de « signal fort ».
Reste à savoir si ce plan, qui se concentrera en priorité sur la décarbonation de l’hydrogène à usage industriel et sur le développement d’une offre de transport lourd à hydrogène, trains et avions compris, permettra de lever les freins suffisants à la démocratisation de cette technologie au service des véhicules légers.
Ce plan permettra-t-il de réduire rapidement les coûts actuels de production d’hydrogène « vert », de fabrication de la pile à combustible et les coûts des stations de recharge ? Contribuera-t-il à encourager les constructeurs à proposer une gamme de modèles plus importante, comme c’est le cas depuis peu sur le segment du 100 % électrique, et dès lors des tarifs plus accessibles, notamment pour les flottes ?
Les régions plus concernées que l’État dans la mobilité du quotidien ?
La plupart des modèles en vente actuellement en France sont facturés entre 48 000 et 80 000 euros, ce qui nécessite un investissement conséquent et n’aide pas à populariser, pour l’heure, la voiture à hydrogène.
Pour convaincre les acheteurs, il existe des aides à l’achat de l’État, mais celles-ci semblent encore bien minces par rapport au prix d’achat. Un bonus écologique de 3 000 euros est accordé aux professionnels. À titre de comparaison, c’est 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique à batteries, dont le prix, si l’on prend l’exemple de la Kangoo Z.E, est qui plus est inférieur de 20 000 euros par rapport à la variante équipée de la pile à combustible.
A ce bonus de 3 000 euros peuvent toutefois s’ajouter, selon les régions, des aides locales parfois bien plus convaincantes. À tel point que les collectivités donneraient presque l’impression d’y croire davantage que l’État en termes de mobilité hydrogène « du quotidien ».
L’Avere, l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, recense sur son site internet les principaux dispositifs connus à ce jour. On apprend par exemple qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, l’aide à l’achat peut atteindre 12 000 euros en fonction du poids total autorisé en charge (PTAC). La plateforme indique aussi qu’en Normandie, 15 % du coût d’achat HT, dans la limite de 7 000 euros, peuvent être pris en charge pour les micro-entreprises et les associations qui optent pour un véhicule roulant à l’hydrogène.
En Île-de-France, les TPE/PME de moins de 50 salariés peuvent bénéficier d’une aide de 6 000 euros. Plus localement encore, la Ville de Paris octroie jusqu’à 6 000 euros par véhicule aux sociétés de taxis. La Métropole de Grenoble accorde quant à elle entre 5 000 et 10 000 euros de subventions à toutes les entreprises de moins de 250 salariés passant à l’hydrogène tandis que le Grand Lyon propose une participation forfaitaire de 8 000 euros.
Quelle place pour l’hydrogène face au 100 % électrique et à l’hybride rechargeable ?
Face aux véhicules électrifiés « traditionnels » à batteries qui, après avoir longtemps suscité la perplexité des gestionnaires de parcs, connaissent depuis le début 2020 un essor en France sur le segment B2B (14 915 immatriculations, soit 10 % de croissance pour les modèles 100 % électriques ; 34 974 unités, soit 195 % pour les hybrides rechargeables, selon les chiffres de l’Arval Mobility Observatory), il y a fort à parier que la technologie du véhicule à hydrogène, si propre et innovante soit-elle et bien qu’elle fasse l’objet d’un plan de soutien national ambitieux, soit contrainte à patienter encore quelque temps avant de grappiller à son tour des parts de marché aux motorisations essence et diesel. En France, le nombre de véhicules légers à hydrogène en circulation est encore loin de dépasser le millier d’unités.
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