Renault Espace (1984-1991) : le mini-TGV des familles, à partir de 2 500 €
Jalon dans l’histoire automobile, l’Espace I demeure très abordable malgré des qualités intrinsèques qui le rendent toujours aussi plaisant, tant à conduire qu’à vivre. Le youngtimer idéal pour la famille !
L’idée d’un véhicule de tourisme monocorps offrant un maximum d’espace habitable dans un encombrement contenu est très ancienne. On peut considérer que sa première application en série revient à Fiat, qui a lancé sa très novatrice 600 Multipla en 1956. Six places, hauteur accrue, sièges rabattables dans le plancher, longueur très réduite, tout y était déjà, hormis le hayon, empêché par le moteur arrière. Il faut attendre 1982 pour voir revenir des véhicules usant de surélévation pour optimiser leur habitabilité sans dériver d’utilitaires. La Nissan Prairie, puis, en 1983, les Mitsubishi Chariot (plus connu chez nous sous l’appellation Space Wagon), et Chrysler Voyager.
L’Espace aurait pu largement devancer ces deux derniers. En effet, dès 1977, en Angleterre. chez Rootes-Chrysler, Fergus Pollock, qui ira ensuite dessiner des Jaguar, crayonne une voiture monocorps aux lignes acérées.
Dénommée Supervan, elle donne lieu à des maquettes grandeur nature en 1978, année où Peugeot rachète Chrysler Europe, ce qui inclut les filiales anglaise, l’ancien groupe Rootes, et française, Simca. Ce dernier commercialise avec un succès inattendu la Rancho, une auto novatrice préfigurant les SUV avec sa carrosserie en plastique. Celle-ci est produite chez Matra, dont le patron, Philippe Guédon, est convaincu, depuis une visite chez Chrysler au milieu des années 70, que les minivans ont un grand avenir. Or, chez le constructeur US, on développe depuis 1972 celui qui deviendra le Voyager/Caravan. Avait-on, pour ce faire, mis en concurrence les équipes américaines et européennes ? Quoi qu’il en soit, en 1979, Guédon, soucieux de faire tourner son usine de Romorantin, demande à Antoine Volanis, son designer en chef, de réfléchir à un véhicule de loisirs surélevé à tendance familiale qui succèdera à la Rancho. Volanis produit le « Dessin Orange », mélange de Supervan et de Rancho, dont un prototype grandeur nature, le P16 est rapidement produit.
Intimement lié à Simca, Matra se rapproche mécaniquement de Peugeot lors du rachat, et chez le sochalien, on est convaincu par ce P16. On demande des modifications, mais, patatras, le choc pétrolier de 1979 fait des ravages et vide les caisses de PSA qui, à regret, stoppe le projet, déjà bien avancé, en 1981.
Guédon, aux abois, en troque les éléments mécaniques de Talbot Solara par ceux de la R18 et le propose à Renault… Qui l’accepte cette évolution dite P23 fin 1982. Matra et la Régie signent un accord en 1983, le projet adopte une motorisation de R20, bénéficie d’un essieu arrière semi-rigide spécifique et se voit baptisé Espace juste avant sa sortie en 1984.
La fabrication surprend, avec cette robe en polyester stratifié habillant une structure en acier galvanisé. La commercialisation a lieu en juillet et les ventes… ne décollent pas. Seulement 9 unités sont vendues durant ce mois, malgré un accord enthousiaste de la presse. Les journalistes apprécient non seulement les performances et les qualités routières de l’engin mais aussi son aménagement génial. Les sièges avant pivotent, ceux des deuxième et troisième rangées se rabattent ou s’ôtent aisément, de sorte qu’on peut se composer aussi bien un véritable salon roulant qu’une camionnette. C’est là la vraie révolution de l’Espace !
Celui-ci, en entrée de gamme GTS forte d’un 2,0 l de 110 ch, revient à 96 000 F, soit 28 200 € actuels, contre 101 700 F à une R25 GTX, nettement plus puissante (2,2 l de 123 ch) et équipée. Le GTS dispose tout de même en série de la direction assistée et des vitres avant électriques. Quant au TSE, mieux doté (antibrouillards, télécommande de déverrouillage des portes, jantes alu, rétros électriques, vitres teintées, sièges pivotants), il revient à 108 500 F. Tout de même ! La chaîne hifi, les deux toits ouvrants et la troisième rangée de sièges sont en supplément.
Pourtant, les ventes grimpent progressivement, grâce aussi à l’apparition des versions diesels Turbo D et Turbo DX en fin d’année. Au terme de 1984, ce sont près de 6 000 Espace qui sont produits. Renault, propriétaire de l’américain AMC compte se servir de ce dernier pour diffuser son monovolume chez l’Oncle Sam et développe une version pour ce marché. Mais, la crise va une fois de plus handicaper l’Espace : en 1987, AMC est racheté à une Régie en lourd déficit par Chrysler qui, bien évidemment, refusera de voir le minivan français concurrencer le sien dans son pays !
En France, les évolutions sont timides, tout au plus note-t-on l’apparition d’une finition 2000-1 (en référence au film 2001, l’Odyssée de l’espace), un poil mieux équipée que la TSE en 1986. Puis en janvier 1988, c’est le restylage. Calandre inclinée en arrière, clignos blancs, hayon remanié à l’extérieur. À l’intérieur, la finition s’améliore, les sièges s’étoffent, la modularité est bonifiée par l’adoption de points d’ancrage supplémentaires pour les sièges… Sous le capot, le 2,0 l à carbu du GTS chute à 103 ch, tandis qu’un 2,0 l à injection de 120 ch équipe le 2000-1 ainsi que le TXE, remplaçant le TSE. En 1988, une transmission intégrale avec arbre de transmission en synthétique est proposée sur la Quadra, appellation qui vaudra à Renault un procès intenté par Audi, qui la trouve trop proche de Quattro. Ensuite, hormis une option correcteur d’assiette en 1990, l’Espace n’évoluera plus guère jusqu’en 1991, où une nouvelle génération est présentée, mais qui reste techniquement très proche. 191 674 exemplaires ont été fabriqués (dont environ 63 000 non restylés), soit un résultat dépassant les espérances initiales d’un total de 60 000. Bien joué !
Combien ça coûte ?
Les Espace I non restylés en bon état sont très, très rares. Mais la cote, si elle monte, reste raisonnable : à partir de 4 000 € en GTS. Comptez 5 000 € en TSE et 6 000 € en 2000-1. On peut calquer la valeur des Turbo D et DX sur celle des GTS et TSE.
En phase 2, l’offre plus abondante implique des valeurs plus basses d’environ 1 500 €. Mais un beau Quadra peut dépasser les 6 000 €.
Quelle version choisir ?
Pour bien profiter des avantages de l’Espace, autant opter pour un exemplaire performant et bien équipé, notamment des sièges pivotants. Donc, un TSE ou un 2000-1. En phase 2, les TXE et surtout Quadra sont les plus attractifs.
Les versions collector
Ce sont d’abord et avant tout les phases 1, en parfait état. C’est simple, on n’en trouve pour ainsi dire pas ! Surtout si ces Espace totalisent moins de 100 000 km. Les 2000-1 sont plus recherchés, mais si vous tombez sur un GTS impeccable, n’hésitez pas !
Que surveiller ?
Grâce à sa carrosserie en polyester et son châssis galvanisé, l’Espace est très peu sensible à la corrosion. De plus, sa mécanique présente une endurance impressionnante : le 2,0 l essence encaisse 300 000 km sans gros ennui, et on a vu des turbo-diesel dépasser les 600 000 km !
Le problème, c’est le reste. Tout le reste. La peinture médiocre, le polyester cassant, la sellerie fragile, les accessoires électriques et les pièces d’habitacle en plastique de qualité Renault des années 80, de la pure camelote donc, les ciels de toit qui s’effondrent… Les démarreurs et alternateurs sont peu endurants, et on surveillera la suspension ainsi que le refroidissement du moteur. Heureusement, on trouve encore pas mal de pièces mécaniques, commune à bien d’autres Renault. Les Espace phases II sont tout de même mieux construits, même si l’arbre de transmission du Quadra n’est guère solide.
Au volant
J’ai pu prendre les commandes d’un Espace Turbo-D de 1988. À bord, évidemment, la finition est très légère, mais ce qui surprend le plus, c’est la visibilité panoramique. Une chose totalement oubliée sur les autos modernes, aux ceintures de caisse très élevées, pour se protéger de l’extérieur. Ici, c’est l’inverse, on s’y ouvre. Sacré changement d’état d’esprit ! L’habitabilité est considérable, mais on est étrangement assis à l’arrière : comme les assises sont basses, on a les genoux qui remontent.
On est mieux installé à l’avant, même si les sièges sont mous et le volant trop incliné en avant. Effet camionnette ! Mais le point de vue sur la route, magnifié par les montants de pare-brise très fins, est inégalable. Au démarrage, le moteur vibre, et à bas régime, il n’est pas très vigoureux. Cela dit, quand le turbo se met à souffler, vers 2 000 tr/mn, il manifeste une certaine vigueur, et l’on peut se servir de la boîte de vitesses agréable à manier pour maintenir le 2,1 l sur sa bonne plage de régime. Dommage que le levier soit si loin !
En matière de liaisons au sol, l’Espace se révèle très convaincant. Excellente direction assistée, d’une bonne consistance, suspension réalisant un beau compromis confort-tenue de route, mouvements de caisse correctement contenus, bonne précision générale… Globalement, l’engin se révèle agréable à conduire, et très lumineux. On n’a jamais été aussi bien sur terre que dans l’Espace, disait la pub. Il y avait du vrai. Quant à la consommation moyenne, elle tourne autour de 8 l /100 km avec un moteur en bon état.
L’alternative newtimer*
Renault Espace IV (2002 -2014)
L’Espace de 4e génération est le 1er à ne rien devoir à Matra. Entièrement fabriqué en acier chez Renault, à Sandouville, il reçoit une plate-forme modulaire partagée avec la Laguna II et la Vel Satis. Deux longueurs de carrosserie sont disponibles. Remarquablement bien dessiné, spacieux, confortable et très sûr, il entame une belle carrière commerciale, d’autant que son magnifique habitacle aux formes douces distille une ambiance très zen. En sus, il bénéficie des dernières avancées électroniques de Renault : carte mains libres, frein à main électrique, ESP… Hélas, comme ses sœurs techniques, il pâtit d’une fiabilité désastreuse : outre l’électricité défaillante, occasionnant une avalanche de bugs, les moteurs 1,9 l et 2,2 l dCi cassent des turbos à tire-larigot, quand ce n’est pas la boîte qui rend l’âme prématurément. Le pire, c’est encore le V6 3,0 l dCi Isuzu, parfois fragile comme du verre. En essence, cela va beaucoup mieux, on a même droit à un robuste V6 3,5 l (245 ch), similaire à celui de la Nissan 350Z ! Tout s’arrange en cours de production, surtout à partir du restylage de 2006 qui apporte un nouveau bloc 2,0 l dCi conçu avec Nissan. Des retouches sont encore apportées en 2010 (éclairage de jour à LED, caméra de recul), ainsi qu’en 2013, qui voit la disparition des blocs à essence et la calandre s’harmoniser avec le reste de la gamme Renault. Bien acheté, cet engin appartenant à une catégorie en voie de disparition (les grands monospaces), offre bien des plaisirs pour qui veut se déplacer confortablement en famille. À partir de 2 000 € en bon état.
Renault Espace Turbo-D (1988), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 2 068 cm3
- Alimentation : turbo, diesel
- Suspension : bras superposés, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV) ; essieu semi rigide, ressorts hélicoïdaux (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 88 ch à 4 250 tr/mn
- Couple : 181 Nm à 2 000 tr/mn
- Poids : 1 250 kg
- Vitesse maxi : 160 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 13,3 s (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Renault Espace, rendez-vous sur le site de La Centrale.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.
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