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Route de nuit - Comment les microcars ont sauvé BMW

Dans Rétro / Autres actu rétro

Stéphane Schlesinger

Dans l’immédiat après-guerre, BMW a énormément de mal à se relancer et frôle la faillite. Il en réchappe en se tournant vers des modèles économiques, les Isetta, 600 et 700 qui lui permettront de tenir jusqu’à la miraculeuse 1500.

Route de nuit - Comment les microcars ont sauvé BMW

Allemagne, année zéro. 1945. Le pays est non seulement détruit mais aussi coupé en deux. Staline, dont la monstruosité n’avait rien à envier à celle d’Hitler, avait largement contribué à abattre celui-ci puis réclamé son dû : l’Europe centrale, dont un morceau important de l’Allemagne qui deviendra la RDA.

L’Allemagne occidentale, la RFA, libre celle-là, connaîtra une quinzaine d’années de vaches maigres, le temps que le miracle économique permis par le plan Marshall dont elle a été la principale bénéficiaire, ne produise tous ses effets. Pendant que les Français se motorisent avec les Renault 4CV et Citroën 2CV, les Allemands s’en remettent à la VW Coccinelle, mais des deux côtés du Rhin, ces modèles demeurent inaccessibles pour beaucoup.

Ceux-ci se rabattent alors sur des motos ou de minuscules voitures, moins chères, surtout les Teutons. C’est ainsi qu’ont pu prospérer jusqu’à la décennie 60 des fabricants de modèles indigents mais pas inintéressants : Gutbrod, Lloyd, Zundapp, Goggomobil, et… BMW.

Le constructeur bavarois souffre énormément de la partition de l’Allemagne. En effet, sa grande usine d’Eisenach se retrouve en RDA, tandis qu’en RFA, les Alliés, Britanniques en tête, s’accaparent une bonne partie de son outil de production, au titre de réparation de guerre.

Cela permet par exemple au fabricant d’avions Bristol de se mettre à l’automobile, en lançant la 400 en 1947, une évolution de la 326 de BMW. Celui-ci parvient à relancer une production dans les années 40, non pas de voitures mais d’objets simples, tels que des vélos et de casseroles notamment. Un comble, car à l’Est, dès 1945 les communistes remettent sur le marché la 321 puis la 327 d’avant-guerre, badgées BMW alors que la société qui gère la fabrication se dénomme Awtowelo. Un vrai plagiat, qui prend fin en 1948 quand cette production se renomme EMW.

L’Isetta, une minuscule « bubble car » de conception italienne permettra à BMW de faire tourner son usine, quand le public boudait ses ruineuses 501, 503, et 507…
L’Isetta, une minuscule « bubble car » de conception italienne permettra à BMW de faire tourner son usine, quand le public boudait ses ruineuses 501, 503, et 507…

Cette année-là, BMW AG reprend la fabrication des motos puis, au début des années 50, décide de revenir à l’automobile, envisageant d’abord, vu l’état du marché, de produire des modèles petits et pas chers. Par orgueil, les dirigeants évacuent cette idée et lancent des engins haut de gamme. Mal leur en prend ! Luxueuse, très chère et disgracieuse, la 501, présentée fin 1951, se vend mal et la situation devient critique.

Les 502, 503 et 507, ruineuses, ne feront qu’aggraver les choses. Boom économique aidant, les Allemands veulent de petites autos plus que des motos, de sorte que BMW a de plus en plus de mal à écouler les siennes.

Alors, on résout à donner au marché ce qu’il veut et en 1955, un accord est signé avec l’italien Iso pour produire sous licence sa minuscule Isetta, qui a fortement impressionné le constructeur de Munich en raflant les trois premières places à l’indice de performance lors de la très éprouvante course des Mille Miglia 1954.

BMW remplace le moteur Püch de la minuscule Iso par le bicylindre 250 cm3 de sa moto R25, et la simple roue arrière par une double. Lancée en 1955, l’Isetta bavaroise est un succès ! Surnommée « Motocoupé », bubble car se vend à 10 000 unités la première année, puis s’arroge la première place sur le marché des microcars. Seulement, elle n’est pas assez rentable.

Sorte d’Isetta rallongée et remotorisée, l’intelligente 600 ne connaîtra pas le succès, à cause de son prix et de son look bizarre.
Sorte d’Isetta rallongée et remotorisée, l’intelligente 600 ne connaîtra pas le succès, à cause de son prix et de son look bizarre.

Aussi décide-t-on d’en extrapoler un modèle plus spacieux, puissant et… cher : ce sera la 600, révélée en 1957. Sorte d’Isetta étirée de 2,28 m à 2,90 m, elle accueille 4 passagers. Pour les loger, en plus de son avant ouvrant, elle s’équipe d’une porte latérale, soit une disposition unique au monde.

Le moteur de 19,5 ch, allié à une excellente boîte 4 entièrement synchronisée s’il vous plaît, l’emmène à 100 km/h, tandis que la nouvelle suspension arrière indépendante à bras obliques (principe que BMW utilisera jusqu’à la Z3 !) garantit une bonne tenue de route.

Réussie, la 600 se vend pourtant mal, car en plus de son look bizarre, elle coûte plus cher que la Coccinelle. Elle disparaît en 1959, produite à 34 813 exemplaires seulement. La situation est grave mais pas désespérée.

Agréablement dessinée par Michelotti, la BMW 700 dérive étroitement de la 600, elle-même une évolution de l’Isetta. Elle se vendra bien.
Agréablement dessinée par Michelotti, la BMW 700 dérive étroitement de la 600, elle-même une évolution de l’Isetta. Elle se vendra bien.

En effet, toute sa partie technique est récupérée sur un nouveau modèle, fort joliment dessiné en Italie par Michelotti : la 700. Séduisante et motorisée par le flat-twin 700 cm3 de la moto 51/3, elle engrange des paquets de bons de commande au salon de Francfort 1959, et permet à BMW d’échapper aux griffes de Mercedes, qui a tenté de le racheter en décembre cette année-là. Capable de 120 km/h, la 700 est mignonne, agréable à conduire, tient bien la route et se voit utilisée avec succès en course.

On souffle de soulagement chez BMW, où l’on peut continuer à plancher sur celle qui va tout changer en 1961 : la 1500 « Neue Klasse ». En 1962, l’Isetta tire sa révérence, produite à 161 728 unités, suivie en 1965 de la 700, dont 176 361 exemplaires sont sortis de l’usine, en coupé, berline, cabriolet et coupé long.

BMW leur doit une fière chandelle ! Sans ces minuscules autos, son renouveau, débouchant sur une expansion extraordinaire eût été impossible : les souris ont accouché d’une montagne.

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