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Spécial USA - Donald Trump et l'automobile : un bilan mitigé

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

À la veille des élections américaines, qu’en est-il des promesses de Donald Trump en 2016 en matière d’automobile ? A-t-il réellement redressé cette industrie  qui emploie 1 million de personnes ? Quelles sont ses relations avec les constructeurs. Réponses pour le moins nuancées.

Spécial USA - Donald Trump et l'automobile : un bilan mitigé

Bienvenue dans la Rust Belt (ceinture de rouille). Cette région du nord-est des États-Unis est ainsi nommée, non pas en raison de la corrosion qui affecte les voitures américaines, mais parce que c’est ici que se regroupent, depuis le début du XXe siècle, toute l’industrie lourde, mais aussi l’industrie métallurgique qui en découle et l’industrie automobile qui en dépend. Démocrate depuis la nuit des temps, la Belt a pourtant voté massivement pour Donald Trump en 2016.

C’est là, à Cleveland, Milwaukee ou Pittsburgh comme à Flint et à Detroit, que les ouvriers, souvent au chômage, ont donné leur voix au candidat républicain, alléchés par son discours expliquant que leur industrie déclinante allait retrouver son faste, sur un air de make american cars great again. Au programme : relocalisation et fin des normes polluantes contraignantes.

Autant dire que cette région est plus que jamais au cœur de l'élection de demain. Et que, du choix des électeurs de l'Ohio, de l'Illinois et du Michigan, dépend, en partie, le sort des États-Unis pour les quatre prochaines années.Une décision évidemment liée à la politique de Trump en matière d'automobile au cours de son mandat, elle-même liée à ses relations avec les constructeurs nationaux qu'il a malmenés et chouchoutés, selon les moments. Ces derniers ne l'ont d'ailleurs pas traité autrement.

La pollution ? Quelle pollution ?

Le président des États-Unis étant aussi porté sur la protection de l’environnement qu’un capitaine de supertanker en plein dégazage, sa décision de 2018 est logique. Cette année-là, il a choisi d’en finir avec les normes Obama prévoyant une limitation de consommation à environ 4,5 l/100 km en moyenne pour les voitures neuves à l’horizon 2025. À quoi bon, a expliqué Trump, puisque les US, dont le sous-sol déborde de gaz de schiste, sont autosuffisants en pétrole. A priori, de quoi faire l’affaire des constructeurs américains, puisque l’abandon de cet objectif leur permet de fourguer de bons gros V8 éculés, peu efficients et à la consommation dantesque.

Ford Mach-E : américaine et 100 % électrique, malgré des normes peu contraignantes.
Ford Mach-E : américaine et 100 % électrique, malgré des normes peu contraignantes.

Sauf que du côté des constructeurs, on est loin des cris victorieux escomptés dans la capitale fédérale. Car les ex-big three (General Motors, Ford et FCA Fiat Chrysler) qui, s’ils sont toujours three sont beaucoup moins big qu’avant la crise de 2008, ne fabriquent pas des autos pour la seule Amérique. Leur production est mondialisée et leurs autos sont aussi destinées à l’Asie et à l’Europe. Et ces continents n’ont pas renoncé aux normes drastiques. Résultat : la décision de l’administration Trump n’a modifié en rien les programmes de développement des futurs modèles plus ou moins propres. Et aux US comme partout, l’hybridation des blocs thermiques se répand. Gaz de schiste ou pas. Et les voitures électriques voient elles aussi le jour, comme la Mustang Mach E chez Ford.

Des constructeurs pas toujours en phase avec Washington

L’autre credo de Trump en matière d’automobile tient en seul mot : protectionnisme. Pour lui, rapatrier les usines aux États-Unis est une garantie du maintien de l’emploi, notamment dans la rust belt. Quatre ans après le début de cette politique, le bilan est mitigé. Même si la faute ne peut en être imputée au seul locataire de la Maison Blanche. C’est que les trois constructeurs nationaux n’ont écouté que d’une oreille distraite, et lu que d’un œil vague, ce qui se disait, et se twittait à Washington.

Il en va ainsi de l’affaire des pick-up Dodge Ram. En 2017, Fiat-Chrysler décide d’en rapatrier la production, assurée au Mexique, vers le Michigan. Trump jubile et explique, dans un tweet, Sauf que moins de deux ans plus tard, changement de cap : FCA tourne casaque. Les pick-up font demi-tour et retournent se faire fabriquer au Mexique. Trump, lui, n’en fera pas un nouveau tweet.

Quant à l'usine General Motors maintenue dans le Michigan en 2019, elle ne doit pas grand-chose à la volonté du président, mais plutôt à l'opiniâtreté du syndicat UAW (Union auto workers). Pendant plus d'un mois, 34 usines du groupe se sont mises en grève, faisant perdre plus d'un milliard de dollars à GM, qui a finalement décidé de conserver son usine aux Etats-Unis. Ce dont Washington ne s'est pas targué.

Dodge Ram Heavy Duty : un petit tour dans le Michigan et puis s'en va.
Dodge Ram Heavy Duty : un petit tour dans le Michigan et puis s'en va.

En revanche, l’ancien businessman télévisuel s’est beaucoup félicité d’une décision de Ford qu’il lie évidemment à sa politique de relocalisation. Lors de son élection en 2016, et dans la foulée de ses annonces de relocalisations d’usines automobiles, le nouveau président s’est flatté d’une première victoire : la marque à l’ovale a décidé d’abandonner son projet de construction d’une usine au Mexique. De plus, le 1,5 milliard de dollars qui devaient y être consacrés seraient réinvestis dans le Michigan.

Un nombre d'emplois préservé, mais pas augmenté

Sauf que cette décision avait été prise avant l’élection de Trump et sa volonté de protectionnisme. Une version un peu différente de celle présentée par l’administration centrale, et que le staff de Ford a lui-même rendu publique, histoire de ne pas laisser le nouveau président sulfureux trop tirer la couverture à lui. Parfois, lorsque l’on est la marque historique de l’histoire de l’automobile américaine, on peut faire de la politique. À sa manière.

Au final, la politique volontariste de Trump n'a pas eu l'effet escompté. Et si le nombre d'emplois n'a pas beaucoup évolué depuis son accession à la présidence, il se félicite de l'avoir préservé. Mais il en oublie au passage sa promesse de départ : celle de redonner du travail à tous les ouvriers de la rust belt.

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