Voiture électrique : deux ou trois ragots qui lui collent aux basques
Et si, pour une fois, ce billet d’humeur était un billet de bonne humeur. Enfin presque. Et si, plutôt que de chercher la petite bête qui se cache sous le châssis des 100 000 voitures électriques immatriculées en France, on saluait l’exploit. Sans tomber dans l’admiration béate de certains commentateurs, mais en dénonçant quelques grosses ficelles généralement accolées à ces nouveaux engins.
À en croire certains, l’avènement de la voiture électrique, c’est maintenant. En tout cas, dans les bureaux de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France) c’est la fête et l’on y célèbre la 100 000e voiture électrique immatriculée dans l’Hexagone. On s’y réjouit aussi de l’envolée des ventes (+24 %) depuis le début 2017 et on y trinque d’avoir décroché la pole européenne en la matière, devant le bon élève norvégien. C’est bien.
Pour autant, dans ce pays scandinave, les ventes d’électriques représentaient l’an passé 16 % du total des autos, contre 1 % chez nous. Tout est donc question de proportion. De même, lorsque la même association nous apprend que sur les 122 000 bornes de recharge, seules 16 000 sont ouvertes au public, on est un poil dubitatif. On ne va pas faire la fine bouche pour autant et savourer l’instant en se disant qu’il y a, en France, davantage de prises électriques pour voitures que de pompes à essence. Puisqu’il n’en reste guère plus de 11 000. Alors réjouissons-nous et mettons à mal quelques réflexions cousues du fil blanc qui sert à surpiquer les sièges des autos électriques pour mieux les achever.
La voiture électrique : un vieux truc qui remonte à plus de 100 ans
Évidemment, en 1899, Camille Jenatzy a réalisé un exploit en atteignant 100 km/h à bord de sa Jamais Contente électrique. Et depuis, les ingénieurs se seraient contentés d’une longue sieste centenaire avant d’exhumer l’invention de l’ancêtre. Sauf que ce bon vieux Camille tenait à peine dans sa carlingue, tout le reste étant occupé par les 650 kg de batteries qui lui assuraient, à peine, 45 minutes d’autonomie.
La voiture électrique : un truc qui pollue plus qu’un Hummer
La rengaine est ancienne. En 2007, une enquête américaine nous explique, jolis tableaux joliment chiffrés à l’appui, qu’un Hummer pollue moins qu’une Toyota Prius. Motif : le char américain est moins énergivore lors de sa phase de production que la japonaise pas complètement exempte de sans-plomb. Tu m’étonnes, Simone. Sûr qu’un titan de presque 3,5 tonnes qui embarque difficilement quatre passagers avec des matériaux préhistoriques et un bon gros V8 mazout ne coûte pas très cher à fabriquer, et n’a surtout pas eu besoin d’user beaucoup d’énergie et de réflexion de la part de ses concepteurs chargés de créer un engin qui envoie dans l’atmosphère 578 g/km de C02 avec une conso moyenne de 22 l/100 km. Quant à l’étude en question, elle provient d’un obscur cabinet marketing de l’Oregon, qui, comme toutes les boîtes privées de ce type, réalise des enquêtes pour qui veut bien les lui payer. De là à soupçonner que l’industrie américaine, plutôt à la bourre en matière de développement de systèmes hybrides à cette époque, a réglé l’addition, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Quoique.
La voiture électrique : c’est pas écolo
Nous sommes en 2014. Autolib est déployé à Paris et la Zoe est sur le marché depuis un an. Mais voilà qu’une association écologiste attaque les pubs des maisons Bolloré et Renault au motif qu’elles ne sont ni écologiques, ni propres comme indiqué dans les campagnes incriminées. Pourquoi diantre ? Parce que les pièces de ces autos s’usent, ne sont pas totalement recyclables et que les Bolloré Cars comme la petite Zoe utilisent de l’électricité, donc du nucléaire, CQFD. L’association a gagné et le jugement en leur faveur a dû ravir tous les piétons parisiens qui préfèrent certainement subir les effluves du Hummer évoqué ci-dessus, plutôt que le pot d’échappement inexistant d’une Autolib.
La voiture électrique : avec une bonne rallonge tu peux rentrer chez toi
La peur tenaille tous ceux qui ne roulent pas en électrique. Comment faire pour éviter la panne sèche ? Pourtant, l’héroïque Pierre Desjardins a prouvé, au volant d’une Zoe qu’il était possible d’effectuer 393,5 km avec un seul plein d’électricité. Évidemment, l’essayeur de l’extrême a enchaîné les tours de périf et son exploit n’eut sans doute pas été possible dans le col du Turini. Mais les progrès sont réels. La petite Renault a doublé ses capacités de stockage, celles de la Nissan Leaf sont en hausse aussi et l’Opel Ampera, qui s’annonce avec 500 km NEDC devrait mettre tout le monde d’accord. Sa conso réelle, forcément moins élevée, devrait vous être livrée ici même lors de son essai dans quelques semaines.
La voiture électrique : c’est pas pour les mélomanes des tubulures
Pourquoi les bagnolards passionnés sont-ils autant attachés au bruit de leur engin favori ? Une très longue et coûteuse psychanalyse pourrait en conclure que l’émotion provoquée par la vitesse est liée à trois éléments : les accélérations subies par le corps, le ressenti visuel et les sensations auditives. Privez les fans de l’un des éléments et tout s’écroule. Sauf que cette triple émotion est avant tout culturelle. Elle n’est que le résultat de 100 ans de braaap-braaap, de shlomp-schlomp et de ziiiiiiiii (cochez votre moteur préféré). Des générations d’acousticiens mécaniques auxquelles succéderont d’autres générations qui trouveront du plaisir dans des accélérations énormes, mais silencieuses. Et qui déploreront peut-être les bruits de casserole des V8 de papa.
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