La procédure de démarrage sacrifie au rituel à la mode, celui du bouton poussoir : contact, pied sur le frein et pression sur l’œil de Terminator clignotant au milieu de la console centrale. Le 4 cylindres émet un gargouillis qui ne laisse en rien présager la sonorité chaleureuse qu’il distribuera un peu plus tard, à chaud. Ce 4 pattes Peugeot n’est pas un « beau hurleur » et la chaleur de son timbre est distillée aux plages de régime transitoires. On s’amuse donc en permanence à reprendre bas dans les tours pour apprécier la mélopée sourde et réellement étonnante puisque n’ayant fait l’objet d’aucune étude acoustique !
Dans une voiture aussi étroite, très vite on fait corps. Son encombrement réduit vous met assez vite en confiance et l’absence de direction assistée sur notre prototype ne réussira pas à me coller des auréoles sous les bras. Il faut juste s’habituer à une consistance qui varie en fonction de la charge que vous mettez sur le train avant. Lorsqu’il faut l’engager sur les freins, la direction se durcit puis à mesure que le pied se relève, elle se libère. Ce sont des sensations étonnantes de nos jours mais ces réactions, très constantes, ont l’avantage de vous connecter très intimement avec l’auto mais aussi la route qui défile sous ses gommes. Paradoxalement, c’est presque dommage d’apprendre que l’Hemera va passer à la direction assistée en production. On se consolera tout de même en sachant que la démultiplication va se réduire et qu’il ne sera plus nécessaire de « mouliner » ( de 4, on passera à 3 tours de butée à butée) dans les épingles.
Les routes des Cévennes ne sont pas réputées pour être du velours rectiligne de 12m de large et on ne saura pas vraiment ce que vaut l’Hemera à grande vitesse. Toutefois, sur des enchainements de virages à moyenne vitesse (entre 90 et 110 km/h), j’ai noté un léger flou dans le guidage qui laisse penser que l’Hemera n’est pas une reine du rapide, ce que laissaient présager son gabarit, son empattement ainsi que sa silhouette qui ne doit pas générer énormément d’appui sur le train arrière. Mais ceci demande à être confirmé.
En comportement, l’Hemera a bénéficié de la définition suspension élaboré avec Michelin il y a plusieurs mois déjà. Effectivement, par rapport au Speedster II essayé il y a 3 ans, c’est nettement mieux. L’auto devient confortable et malgré un débattement de suspension avant minimal qui vous fera éviter comme la peste bubonique les nids de poule et autres racines sous bitume qui font cogner les amortisseurs, l’homogénéité de l’ensemble est très bonne. Ce confort, relatif, est logiquement synonyme d’une voiture vivante, comprenez qu’elle a une attitude différente selon qu’elle est en courbe sur une phase de freinage ou d’accélération et qu’elle n’est pas bloquée en amortissement. Son architecture de coupé à moteur central se ressent et se comprend dans le volant : le transfert de masse, typique de ces voitures, est assimilé très rapidement et les séquences freinage, inscription, réaccélération et débraquage s’enchaînent de plus en plus vite, bien aidé par une boîte au début déroutante puis qui, ensuite se fait totalement oublier voire apprécier. Même si une propulsion sans garde-fous électroniques s’appréhende toujours avec réserve (sous le pied droit), l’Hemera qui chausse du BF Goodrich Gforce en 205 de large et qui ne développe que 140 ch ne vous stressera pas à la remise des gaz sur le sec. Il est rigoureusement impossible de drifter en Hemera. L’auto qui n’a ni autobloquant, ni barre stabilisatrice arrière, ne glisse pas et motrice très bien. Dommage pour le fun, tant mieux pour l’efficacité.
La confiance venant, on réaccélère de plus en plus tôt dans la courbe et jamais elle ne se déhanche. Quelques kilomètres à ce rythme et vous oubliez pourquoi vous êtes là, vous oubliez que vous avez un prototype n’existant qu’à 3 exemplaires entre les mains, vous oubliez les Cevennes qui déroulent leur paysage de carte postale à travers les meurtrières latérales, vous oubliez votre passager qui subitement se tait, et vous vous faites plaisir. L’Hemera, avec ses moyens, sait envouter son capitaine. Faire ce simple constat, c’est déjà plus qu’un bon point, presque un succès.
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