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CES de Las Vegas : ce qu’il nous dit sur le futur de l’automobile

Dans Salons / CES Las Vegas

Pierre-Olivier Marie

Certes, le Consumer Electronic Show (CES) qui se tient à Las Vegas cette semaine n’a rien d’un grand salon de l’automobile. Seule une poignée de constructeurs y font le déplacement, en même temps que quelques grands équipementiers. Mais plus que par le nombre d’acteurs y participant, l'événement vaut surtout par les perspectives qu’il laisse entrevoir pour les voitures de demain. Décryptage.

CES de Las Vegas : ce qu’il nous dit sur le futur de l’automobile

Le Consumer Electronic Show est la grand-messe des nouvelles technologies, et les constructeurs qui y participent font une forme d’allégeance à l’industrie du logiciel. La mobilité de demain sera connectée, et les services que rendront les technologies pourraient se montrer des plus profitables.

Le groupe Stellantis, présent cette année à Las Vegas, estime qu’à partir de 2026, les offres de produits et abonnements basés sur les logiciels devraient pourraient générer des revenus annuels d’environ 4 milliards d’euros, chiffre appelé à quintupler quatre ans plus tard. « 34 millions de voitures connectées monétisables sont attendues d’ici 2030. La majorité de tous les nouveaux véhicules devant pouvoir être mis à jour over-the-air d’ici 2024 », précise le groupe.

Cette semaine à Las Vegas, Stellantis a officialisé un partenariat avec le géant Amazon, entreprise dont le champ d’action va de l’e-commerce à la production et la diffusion de contenu audiovisuel.

Des activités qui à partir de 2024 auront toute leur place à bord des futures voitures du groupe automobile, et seront accessibles via le Smart Cockpit que les équipes des deux compagnies mettent au point de concert.

Pour les constructeurs auto comme Stellantis, l'avenir passe par des alliances avec des géants de la tech.
Pour les constructeurs auto comme Stellantis, l'avenir passe par des alliances avec des géants de la tech.

Au programme : navigation, entretien, divertissement, e-commerce, etc. « Grâce à l’intelligence artificielle et au cloud computing, nous allons améliorer l’expérience globale de nos clients et transformer le véhicule en espace de vie personnalisable, tant pour les passagers que pour le conducteur », vante Carlos Tavares.

Stellantis et Amazon font caisse commune

Précisons au passage que Renault travaille sur des projets comparables en partenariat avec Google : le système multimédia My Link de la nouvelle Mégane E-Tech électrique dispose des services de Google Automotive.

Et tous les constructeurs avancent bien sûr dans la même direction, de même que les équipementiers historiques. « Nous vivons très concrètement le moment ou l’industrie du logiciel et l’activité de production automobile se rejoignent », déclarait récemment Heiko Carrie, le patron de Bosch France, dans Le Monde. Le groupe Allemand investit quatre milliards d’euros chaque année dans les compétences logicielles, dont environ trois milliards dans le secteur de la seule mobilité.

Durant la conférence de presse qu’il a tenue en ouverture du CES, Carlos Tavares, Directeur général de Stellantis, a fortement insisté sur le fait que le groupe qu’il dirige était en train d’opérer sa mue en une entreprise de la « tech » automobile. Une approche désormais vitale pour les constructeurs traditionnels, qui pourraient aussi bientôt devoir composer avec la concurrence directe de spécialistes de l’électronique grand public.

Sony dans la course

Cette concurrence pourrait par exemple prendre l’apparence de la Sony Vision-S 02, un concept-car de SUV électrique 7 places présenté cette semaine à Las Vegas. Durant sa conférence de presse d’ouverture du CES, le patron de Sony Kenichiro Yoshida a été parfaitement clair sur ses intentions : « nous sommes parfaitement positionnés pour participer à cette redéfinition de la mobilité. » C’est dit.

Ultra-connectée et bardée de capteurs, la Sony Vision-S 02 vise des niveaux d'autonomie 4 et 5.
Ultra-connectée et bardée de capteurs, la Sony Vision-S 02 vise des niveaux d'autonomie 4 et 5.

A cette fin, l’entreprise lancera au printemps sa filiale Sony Mobility, qui se chargera de capitaliser sur les points forts de l’entreprise. « Nous disposons des technologies de gestion dans le cloud, de 5G, des capteurs d’image et des installations de divertissement accompagnées de leurs contenus », explique M.Yoshida, cité par Les Echos.

A partir de là, il peut être tentant pour ce nouvel entrant dans le secteur automobile d’assembler différents composants (batteries et moteurs électriques, systèmes d’aide à la conduite, etc.) pour proposer sa propre voiture. Ou bien, de façon plus raisonnable compte tenu des investissements énormes que suppose cette industrie, de proposer ses technologies à des acteurs mieux établis, et se muer ainsi en une sorte de super-équipementier.

Une voiture en Europe pilotée depuis le Japon

En attendant, il faut occuper le terrain. Sony a ainsi mené différents tests avec des prototypes sur circuit et sur route ouverte ces derniers mois, avec notamment une expérimentation de conduite à distance. Un procédé qui, assure le Japonais, accompagnera l’essor de la voiture dite autonome. C’est ainsi qu’une équipe d’ingénieurs au Japon a pu prendre les commandes d’une voiture située en Allemagne à travers le réseau 5G. Auriez-vous cru une telle opération possible 5 ans en arrière ?

Rappelons au passage que d’autres géants de l’électronique grand public ont des ambitions dans l’automobile, à commencer par Apple dont on ignore hélas tout ou presque du projet Titan qu’il mitonne depuis 2014. Selon l’agence Bloomberg, le projet pourrait voir le jour en 2025. On prête aussi des ambitions aux Chinois Xiami ou Foxconn, ce dernier étant déjà lié au groupe Stellantis.

Bien sûr, le moteur thermique ne sera bientôt plus qu’un (souvent bon) souvenir. L’électrification future du parc automobile n’est plus un sujet, alors même que les modèles zéro émission et hybrides rechargeables ont déjà représenté près d’une vente sur 5 en France l’an dernier. Pour les constructeurs, la question est aujourd’hui de proposer des autonomies élevées avec des batteries aussi compactes que possible.

Mercedes l'assure: avec une seule charge, la Vision EQXX peut assurer vos aller-retour au travail pendant 1 mois !
Mercedes l'assure: avec une seule charge, la Vision EQXX peut assurer vos aller-retour au travail pendant 1 mois !

Ainsi en va-t-il de la Mercedes EQXX, un démonstrateur dévoilé à l’occasion du CES. Celui-ci offre une autonomie de plus de 1 000 km malgré une batterie moitié moins grande que celle de la grande berline EQS dévoilée cette année, laquelle représente pourtant le summum de ce que propose l’industrie automobile actuellement.

Demain, des voitures vietnamiennes ou turques

L’autre avantage de l’électrification est qu’elle permet à de nouveaux entrants de proposer rapidement des produits compétitifs. Présent au CES, le constructeur vietnamien Vinfast, découvert au salon de Paris fin 2018, annonce la couleur avec dans les tuyaux pas moins de 5 modèles couvrant une grande part du marché.

A peine lancé, Vinfast fait déjà miroiter une gamme ultra-large.
A peine lancé, Vinfast fait déjà miroiter une gamme ultra-large.

Ces véhicules garantis 10 ans ou 200 000 km devraient être disponibles en Europe en fin d’année, et la marque est déjà à la recherche d’un site de production en Allemagne, où elle rejoindrait notamment Tesla, dont on rappelle au passage qu’il a écoulé près d’un million de voitures dans le monde en 2021, chiffre qui traduit une progression de près de 90% par rapport à l’exercice 2020.

Tout aussi inattendue que Vinfast, la marque turque Togg dévoile au CES une grande berline électrique qui pourrait arriver sur le marché en 2024 : "Nous sommes une entreprise technologique de mobilité", déclare le patron de l’entreprise, qui dit finalement la même chose que les grands patrons de l’automobile traditionnel.

Le barycentre de l’automobile de demain se situe en Asie, du moins pour le moment. C’est là que sont conçues une grande partie des technologies, c’est là que sont fabriquées les batteries, et c’est de là que viennent nombre de constructeurs en plein devenir.

Les MG et autres Lynk&Co sont déjà présents sur le marché européen, et y proposent de produits tout à fait dignes d’intérêt. MG a ainsi écoulé près de 5 000 voitures en France en 2020, chiffre supérieur à ses objectifs. Ces bons chiffres ont de quoi aiguiser les appétits des Xpeng, Li Auto et autres Nio, qui ont déjà écoulé chacun près de 100 000 voitures sur le marché chinois l’an dernier.

Des valeurs plus que respectables pour ces marques encore jeunes : Les Echos rappellent que Nio, la plus ancienne des trois, n’a que 7 ans d’existence, et que Tesla a mis 14 ans à franchir le seuil des 100 000 unités par an (avec des produits très onéreux, certes).

Gare aux coûts

Et l’Europe, dans tout ça ? Rassurons-nous, elle est encore dignement représentée au CES. L’équipementier français Valéo, pour ne citer que lui, a fait le déplacement dans le Nevada avec son Lidar de troisième génération, dont Caradisiac vous avait déjà parlé.

Le nouveau Lidar Valeo se présente comme un super-scanner 3D permettant de voir ce qui échappe à la caméra, au radar ou à l’œil. Pour cela, il examine l’environnement du véhicule 25 fois par seconde
Le nouveau Lidar Valeo se présente comme un super-scanner 3D permettant de voir ce qui échappe à la caméra, au radar ou à l’œil. Pour cela, il examine l’environnement du véhicule 25 fois par seconde

Cet équipement permet d’atteindre le niveau 3 de conduite autonome. Mercedes en a doté sa Classe S, à laquelle il est possible de déléguer la conduite jusqu’à 60 km/h, voire 130 km/h quand le législation l’autorisera. D'après Valeo, un tiers des voitures neuves premium atteindront le niveau 3 d’autonomie à l'horizon 2030. Le marché du Lidar devrait alors s'élever à 50 milliards d’euros par an

Demain a de quoi faire rêver, donc, mais ces progrès ne vaudront que s’ils sont partagés par tous, ce qui est encore loin d’être le cas pour ces produits high-tech. L’enjeu, pour les constructeurs, est de rester accessibles aux classes moyennes tout en digérant le surcoût qu’imposent l’électrification et tous les raffinements technologiques qui l’accompagneront.

Ce qui suppose que les industriels travaillent sur d’importantes réductions de coûts par ailleurs. Un sacré défi pour 2022 et au-delà, qui devrait notamment aboutir à des alliances inédites dans l'industrie. Il faut s'attendre  à tout, même au meilleur.

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