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DESIGNERbyBELLU - Henri Chapron, le dernier carrossier français

Dans Rétro / Autres actu rétro

Serge Bellu

Nous poursuivons notre panorama des grandes figures de l’histoire du design avec un personnage français. Henri Chapron a sans doute été l'un des derniers carrossiers français qui appartenaient à l’école classique.

DESIGNERbyBELLU - Henri Chapron, le dernier carrossier français

Né le 30 décembre 1886 à Nouan-le-Fuzelier, dans le Loir-et-Cher; Henri Chapron a effectué son apprentissage chez des carrossiers parisiens. Henri Chapron se fait inscrire dès 1917 à la Chambre de Commerce avec une sérieuse formation de sellier. En août 1919, il ouvre à Neuilly son entreprise de carrosserie. Pendant plus de six décennies, Henri Chapron portera haut les couleurs de la carrosserie française en menant son affaire avec autorité et pertinence, sachant s’entourer de créateurs aussi discrets que fidèles à un style éminemment classique.

La maison Henri Chapron se spécialise d’abord dans l’habillage des Ford T qui sont ainsi vendues sous le nom de « Ford francisées ». En décembre 1923, Chapron déménage à Levallois. La floraison des belles mécaniques françaises lui permet d’exercer son art : Delage D8, Talbot Atlantic ou Hotchkiss 17 CV se prêtent idéalement à sa manière sage et élégante.

Delahaye 135 Cabriolet.
Delahaye 135 Cabriolet.

Après 1935, sans négliger les autres marques, de Renault à Hotchkiss, de Rolls-Royce à Cadillac, c’est surtout à travers Delahaye que le style d’Henri Chapron parvient à maturité.

L’apogée du style Chapron

Le châssis Delahaye 135 permet à Chapron de donner toute sa mesure. La première coopération suivie entre Delahaye et Chapron porte sur la production d’une berline conventionnelle, sans pilier central, qui débute au Salon 1935. Au catalogue officiel, Chapron se réserve le coach à quatre places produit en petite série, à la fois par Chapron et par Guilloré.

Delahaye Roadster.
Delahaye Roadster.

On voit aussi débuter le « roadster avec spider arrière » remplacé en mai 1936 par le « roadster cabriolet avec spider », plus réussi. Le style d’Henri Chapron s’épanouit avec le cabriolet à quatre places dévoilé en juin 1936, au concours d’élégance de L’Auto. Le cabriolet Milord connaît des variantes, notamment au niveau de la moulure qui souligne la ceinture. Le style d’Henri Chapron fuit l’emphase, il n’est jamais exubérant et cette relative retenue est considérée, avec le recul du temps, comme une préservation du bon goût français. Chapron connaît un appréciable succès en Grande-Bretagne, ne manquant jamais une occasion de montrer ses productions au Salon de Londres.

Les années de transition 

Delahaye 178.
Delahaye 178.

Henri Chapron n’a jamais été un carrossier d’avant-garde et cette prudence lui permet de mieux vivre la tourmente qui va emporter les grandes marques après la guerre. Au lieu de singer le styling américain, ou de se jeter sur le ponton, Chapron montre une élégante circonspection. Après la Libération, Delahaye reste son partenaire privilégié. Au fil des salons et des concours d’après-guerre, on découvre la manière dont Chapron actualise ses thèmes de prédilection sur les châssis Delahaye. Que ce soit sur le coach Mouette ou les cabriolets Dandy et Vedette, l’évolution est douce et progressive. Jusqu’au Salon 1949, les ailes restent apparentes. Ensuite, les ailes avant forment ponton, mais elles sont encore prononcées à l’arrière. Les stylistes qui travaillent pour Henri Chapron, et en premier lieu Carlo Delaisse, ne se laissent jamais emporter par les délires aérodynamiques ou les tentations ornementales. Les berlines Diane et les limousines sur châssis 148 L, 178 et 180 suivent le mouvement avec moins de grâce. 

Déclin et redressement

Avec la Delahaye 235 (1952-1954), Henri Chapron renouvelle son style, toujours grâce au talent de Carlo Delaisse. Les flancs sont bien sûr en ponton, mais les ailes forment encore un relief. Il existe plusieurs variantes : coupé deux ou quatre places et cabriolet quatre places. Henri Chapron assure la fabrication des carrosseries, la sellerie et l’habillage d’une trentaine d’exemplaires de la Salmson 2300 Sport. Les rares coupés et cabriolets (quatorze exemplaires) dérivés de l’Hotchkiss Grégoire, les cabriolets Hotchkiss Anthéor ou encore les cinq Grégoire Sport sortent également des ateliers de Levallois.

Sur un autre registre

Après avoir accompagné Delage, Hotchkiss et Salmson jusqu’à leur dernier souffle, Chapron a l’intelligence de se tourner vers des labels plus modestes. L’avenir passe par un compromis avec la grande industrie. Plus qu’avec Simca, Peugeot ou Renault, c’est chez Citroën que Chapron va trouver son salut. Pour le réseau du constructeur, Chapron confectionne 1 325 cabriolets DS et les berlines Prestige. Mais sous sa propre enseigne, Henri Chapron propose des DS 19 et 21 spéciales déclinées sous de nombreuses formes qui suivent les variations de la mode.

Dernières cartouches

Renault 4C
Renault 4C

Le carrossier de Levallois est le fournisseur de la présidence de la République française depuis 1955 : Citroën 15-Six H, DS, SM et CX, Simca Présidence et Rambler sont spécialement aménagées pour l’Élysée. De nombreux autres chefs d’état, démocrates ou dictateurs, sont clients de Chapron : le roi du Maroc, les présidents du Niger, du Nigeria et du Chili… Au Salon 1976, Chapron expose deux Peugeot : une 104 ZS Golf et une 604 luxueuse. Après la mort d’Henri Chapron, survenue le 14 mai 1978, son épouse Françoise Chapron (née en mars 1917) assure la survie de la société. Le panonceau est accroché une dernière fois au Salon de Paris en 1980, au-dessus d’une Matra Murena et d’une Peugeot 104 ZS personnalisées, mais la maison continue par la suite d’aménager des voitures à l’unité (Citroën CX blindées, landaulets Peugeot 604) et se consacre à la restauration de voitures anciennes. Chapron développe aussi une nouvelle activité qui consiste à confectionner des éléments prototypes pour Renault.

Ce débouché entre pour 76% dans le chiffre d’affaires de l’entreprise qui emploie trente-huit personnes au moment où Renault décide, par mesure d’économie, de limiter le nombre de ses sous-traitants. Chapron en fait les frais : un dernier prototype est construit en juillet 1985 et l’entreprise doit déposer son bilan en octobre suivant. Après la mise en liquidation de la société, le 11décembre 1985, les locaux de Levallois, construits par Gustave Eiffel en 1902, sont repris par Charles Pozzi qui en fait une concession BMW.

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