3. 600 km en Kia e-Niro : parfait à l'aller...et plus compliqué au retour !
Avec ses 455 km d’autonomie annoncés et sa carrosserie typée crossover, le Kia E-Niro se présente comme le véhicule le plus polyvalent de notre comparatif. Promesse tenue sur les 600 km de ce Paris-Bruxelles-Paris ?
LA KIA e-NIRO 64 kWh EN BREF
- Prix : à partir de 42 500 € (hors 6 000 € de bonus)
- Autonomie annoncée : 455 km (et 615 km en cycle urbain)
- Autonomie réelle sur notre test : 315 km + 106 km d’autonomie restante annoncée à l’arrivée (soit 421 km)
- Puissance de recharge maxi : 77 kW
Quand l’ami Pierre Desjardins a évoqué pour la première fois la préparation de ce road-trip de voitures électriques, il a annoncé d’emblée la couleur : « seules la Tesla et la Kia arriveront à Bruxelles d’une traite ». N’écoutant que ma conscience professionnelle, je manifestai alors ma préférence pour un des véhicules qui réclamerait (au moins) une halte ravitaillement, et de préférence la BMW i3. C’était l’occasion de tester une voiture électrique hors de sa « zone de confort », mais aussi de jauger de l’accessibilité réelle des bornes de recharge sans lesquelles rien n’est possible.
Las ! Claude Barreau, ci-devant rédacteur en chef de Caradisiac, exprima le même souhait et je ne pus que m’incliner. Je fis donc mien le précepte de Machiavel selon lequel « ce qu’on ne peut empêcher, il faut le vouloir », et me penchai de plus près sur le pédigrée du e-Niro. Là, je (re-)découvrai avec joie que celui-ci partageait son groupe motopropulseur avec le Hyundai Kona EV 64kWh avec lequel nous avions pu parcourir 734 km avec une seule charge dans le cadre de nos tests « le périphérique jusqu’à la panne. » Ce qui signifie que même sans éco-conduite et en roulant aux 120-130 km/h réglementaires et avec la climatisation enclenchée, le trajet de 315 km séparant les locaux de Caradisiac de l’Atomium de Bruxelles s’annonçait comme une formalité.
Et devinez quoi ? C’est exactement ce qu’il advint ! Le voyage fut expédié avec la même sérénité que si je m’étais trouvé au volant d’un véhicule diesel, avec le double avantage d’un parfait silence de fonctionnement et de relances aussi énergiques que celles d’un modèle essence de 250 ch. Cette Kia offre un agrément de conduite remarquable, avec un feeling de direction et une ergonomie très « Volkswagen » (on fera moins de louanges au sujet de la qualité de présentation de l’habitacle, bien quelconque).
Autoroute express
A mesure que les kilomètres défilaient, notre convoi se délitait. Tour à tour durent s’arrêter la Renault Zoé, la BMW i3 et la Nissan Leaf, trop rapidement à court de carburant pour prétendre à autre chose qu’une utilisation ultra-normée type domicile-travail (ce qui correspond aux usages de 75% d’entre nous, certes). Et chaque « abandon » successif me renforçait dans ma conviction que cette Kia était un modèle à prendre très au sérieux pour quiconque envisageait d’opérer sa conversion vers le « zéro émission ».
Avec cette Kia, on entre en effet dans une autre dimension. Celle de l’automobile électrique taillée pour la « vraie vie », avec laquelle on peut envisager sereinement de partir en week-end. La preuve ? Arrivé à notre ultime point de rendez-vous, je constatai avec satisfaction que l’ordinateur de bord m’indiquait une batterie disposant encore de 26% d’énergie, soit une autonomie de 106 km. La consommation se sera établie à 15,6 kWh/100 km sur ce Paris-Bruxelles, valeur assez remarquable pour un véhicule familial. J’aurais donc pu rallier Anvers, à un cinquantaine de kilomètres au nord, voire gagner le sud de la Hollande, pays qui représente une sorte de « terre promise » pour les amateurs de voitures électriques. La coréenne serait-elle donc LA révélation de ce grand comparatif ? C’est un peu plus compliqué que cela...
Recharge bas débit
Une fois tournée la vidéo d’arrivée devant le très spectaculaire Atomium, toute l’équipe a pris la direction d’un grand hôtel bruxellois ultra-moderne, choisi parce qu’il présentait l’avantage de disposer de plusieurs bornes de recharge semi-rapides dans son parking (connecteur type 2 de chaque côté, pour les spécialistes). Je fus le dernier à me brancher pour constater que le débit électrique y culminait à…2 kW ! Suspectant une défaillance de la borne, je me branchai à celle d’à côté où la Nissan Leaf de Manuel Cailliot « biberonnait » tranquillement à 6 kW. Et là, rebelote: le débit retombait à 2 kW pour la Kia, tandis que la Leaf reprenait un débit de 6 kW sur la borne à laquelle j’étais précédemment branché. Agaçant.
Je tâchai d’oublier ce désagrément devant une (ou deux) bonne(s) bière(s) partagée(s) avec mes collègues, avant d’aller me coucher en espérant naïvement que le flux augmenterait par miracle pendant la nuit.
Eh bien sûr il n’en fut rien. Après près de 12 heures de charge sur cette borne semi-rapide, la batterie n’était chargée qu’à 74% ! De quoi théoriquement rentrer à Paris d’une traite en roulant lentement, certes, mais quel contraste avec l’aisance affichée la veille ! Je décidai malgré tout de prendre la route plutôt que d’attendre que le plein soit fait, après avoir repéré la présence de chargeurs ultra-rapides Ionity sur le parcours.
Les 300 kilomètres du retour...
L'INCIDENT NOTABLE DU PARCOURS
Après environ 12 heures de charge sur la borne semi-rapide de notre hôtel bruxellois, la batterie n’était chargée qu’à 74% ! Soit loin, bien loin des valeurs annoncées par Kia: la marque indique en effet un temps de recharge d'environ 9h35 pour passer de 0 à 100% sur boîtier mural AC 7,4 kW (32A).
Nous avons sollicité Kia France sur les raisons possibles de ces lenteurs de charge, et vous livrons ci-dessous la réponse apportée:
"Nous avons effectué des tests sur une borne de 24 kW, le véhicule alors chargé à 20 % a pris 23 kW. Nous avons également testé avec le câble T2 fourni avec le véhicule, il a pris 7 kW. Donc aucune anomalie n’a été constatée ni sur le véhicule ni sur le câble T2. Enfin, nous avons également procédé à un diagnostic du véhicule et aucune anomalie n’a été constatée non plus.
Par conséquent, et n’ayant pas pu faire de diagnostic au moment où vous avez constaté l’anomalie, nous ne pouvons qu’établir des hypothèses sur ce qu’il a pu se passer.
- A l’inverse des i3, Zoé ou encore Leaf qui fonctionnent en triphasé, le e-Niro fonctionne en monophasé (moins lourd et adapté à un usage pour particuliers). Donc c’est un élément qui pourrait expliquer la différence de fonctionnement de la borne utilisée à l’hôtel pour la charge.
- Après un long trajet, la voiture a pu également, pour protéger la batterie, limiter la charge.
- L’ordre de branchement des véhicules sur le même système de charge (via plusieurs bornes donc) a également pu impacter la charge du e-Niro. En effet, le premier véhicule va bénéficier d’un meilleur débit que le second véhicule branché, et ainsi de suite avec le 3e et 4e véhicule.
- Le câble de charge utilisé (si ce n’est pas celui d’origine) peut également en être la cause car ils ne sont pas tous prévus pour une recharge de 7 kW, certain ne sont prévus que pour des recharges de 2 kW ou 4 kW (une résistance dans le câble est détecté par le véhicule et limite la charge).
Arrivé à l’aire de Thieu, à environ 70 km au sud de Bruxelles, j’avisai les bornes Ionity désertes ce samedi matin et y branchai ma voiture. Ne restait plus qu’à télécharger une fois pour toutes l’appli de l’opérateur et à déclencher la tempête d’électrons qui allait me permettre de rentrer à bonne allure chez moi. Seulement voilà, tout n’est pas si simple : un bug de ladite appli m’empêchait d’enregistrer mon moyen de paiement !
Je tentai alors de joindre la hotline à partir du numéro affiché sur la pompe. Après trois sonneries, un opérateur qui ne parlait qu'anglais ou allemand décrocha. Il me demanda le code accolé à la borne, le type de la voiture, et je lui expliquai mon cas, sans grand espoir qu’il le résolve. Et là, miracle: « débranchez et rebranchez la voiture, je vais déclencher la borne à distance. Ce sera gratuit pour cette fois ! » Et c’est ainsi que je rechargerai ma voiture aux frais de la princesse au lieu de m’acquitter des 8 € réglementaires, passant de 62 à 86% de charge en 28 minutes. Un débit qui n’a rien de spectaculaire pour une borne de 150 kW (sachant que Kia annonce que 42 minutes suffisent pour passer de 20 à 80% sur une borne de 100 kW), mais il convient de rappeler que le flux est nettement ralenti à partir de 80%.
En tout cas, chapeau Ionity ! Une appli affligée d'un "bug", cela peut arriver. Si on vous propose une solution compensatoire efficace, tout est pardonné ! Dans une situation un peu « galère » de ce type, il n’est pas sûr qu’un pétrolier m’aurait offert des litres d’essence me permettant de rentrer chez moi...
Certains pourront m’objecter que je n’aurais pas eu de problème si j’avais téléchargé l’appli et m’étais dûment enregistré en amont, et ils auront raison. Quoi qu’il en soit, l’enseignement de cette mésaventure est qu’un voyage en voiture électrique ne s’improvise pas, tout simplement, et qu’un automobiliste « vert » avisé dispose d’au moins une carte permettant l’accès à divers réseaux de charge.
Une fois ma batterie rassasiée, je repris la route vers Paris avec une sérénité retrouvée, aux vitesses réglementaires et réconcilié avec ma monture. Je profitai aussi d’une pause pour « jouer » avec le GPS en lui soumettant différentes destinations, et voir quelles solutions de recharge il me proposait sur le parcours. Hélas, celui-ci me donnera juste d’interminables listings de bornes, sans me proposer de « stratégie » de recharge pour optimiser mon trajet. Il faudrait que Kia travaille l’interface de façon à ce que l’utilisateur se sente véritablement pris en main. Tesla dispose là d'une sacrée longueur d’avance : sur un trajet donné, l’ordinateur de bord vous indique en effet à quel superchargeur vous pourrez vous arrêter, le niveau de batterie estimé en arrivant et la durée de charge nécessaire. Et c’est extrêmement rassurant pour l’utilisateur.
Enfin, de retour à mon domicile où je ne dispose pas de Wallbox, je brancherai l’auto à une simple prise 230V. Sans surprise, finalement, le débit y plafonnera à 0,5 kW. Ainsi, avec une batterie tombée à 10%, l’ordinateur de bord m’indiquera un temps de charge de près de 32 heures pour refaire le plein. Pas très foudroyant, tout ça...
KIA E-NIRO - LES ARRETS POUR RECHARGER
Trajet Paris - Bruxelles (départ battrie à 99 %)
Aucun arrêt. La batterie affichait 99% au départ, et 26% à l’arrivée (soit 105 km d’autonomie restante)
Trajet Bruxelles - Paris (départ batterie à 74 %)
Recharge au 66ème kilomètre
Type de chargeur : Ionity
Durée de la charge : 24 minutes
Pourcentage de charge : de 62 à 86 %
Coût de la recharge : gratuit (mais 8 € en temps normal)
A l’arrivée, la batterie affichait un niveau de 14%
Alors, séduit ou pas ?
Avec son rayon d’action digne d’une Tesla nettement plus onéreuse (à partir de 36 500 € bonus inclus, contre 42 600 € pour l’Américaine), cette Kia e-Niro constitue la révélation de ce grand test d’autonomie. Sur le Paris-Bruxelles, elle aura ainsi réalisé un sans-faute…hélas un peu terni par les lenteurs de charge évoquées plus haut. Si la marque nous certifie ne pas avoir rencontré de problème par la suite avec le modèle utilisé durant notre essai, il faudra donc mettre cela sur le compte d’une défaillance aléatoire du chargeur embarqué. Dont acte.
Au-delà de l’incident, rappelons tout de même que le véhicule a bien assuré l’essentiel de sa mission, à savoir nous amener à destination dans un bon niveau de confort et de sécurité, à des allures équivalentes à celles d’une voiture à moteur thermique. Il se montre donc extrêmement convaincant. Lui manque encore toutefois un système de navigation et de planification des charges qui prenne véritablement les affaires en mains. Ceci de façon à soulager la charge mentale d’un conducteur qui passe encore l’essentiel de ses trajets les yeux fixés sur l’indicateur de niveau de batterie, avec un rythme cardiaque qui accélère et des mains de plus en plus moites à mesure que le pourcentage baisse. Question d'habitude, peut-être...
Ce test m'aura en tout cas conforté sur le fait que la mobilité électrique gagne chaque jour en crédibilité, et me donne de plus en plus envie de franchir le pas. Quand viendra le temps de changer mon mazout familial perso, il y a toutes les chances pour que je passe au "zéro émission".
D'ici là, il faut espérer que les réseaux de charge rapide se seront largement développés et que le paiement des "pleins" se fasse avec une carte bleue, aussi simplement qu'à une station essence. A cette condition, la mobilité électrique longue distance ne posera plus de problème aucun. Et la mobilité thermique ne restera alors plus qu'un (bon) souvenir...
Pierre-Olivier Marie
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